Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/331

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mieux vaudra. Vous serez bien accueilli par Éachin, et du diable si un homme ose vous toucher dans ses domaines. Mais, adieu, car il faut que j’aille aux funérailles du plus brave chef que le clan ait jamais eu, et du plus sage capitaine qui ait jamais porté le myrte sauvage sur son bonnet. Adieu pour quelque temps ; si vous voulez monter au sommet du Tom-an-Lonach, derrière la maison, vous verrez un beau spectacle, et vous entendrez un coronach qui retentira jusqu’au sommet du Ben-Lawers. Dans trois heures d’ici, un bateau vous attendra dans une petite crique, à un demi-mille environ du lac de Tay, vers l’ouest. »

À ces mots il partit avec ses trois fils pour manœuvrer la barque dans laquelle il devait aller se joindre au cortège, et ses deux filles dont les voix devaient nécessairement s’unir au chant funèbre qu’on était dans l’usage de chanter ou plutôt de crier dans ces occasions d’affliction générale.

Simon Glover, se trouvant seul, alla dans l’écurie pour voir son cheval, et il trouva qu’on lui avait donné du graddan, c’est-à-dire du pain d’orge grillé. Il fut très-touché de cette attention, sachant fort bien que la famille avait très-peu de ce mets délicat pour elle-même, jusqu’à ce que la prochaine récolte renouvelât leur provision. Quant à la nourriture animale, ils en avaient en abondance, et le lac leur fournissait une grande quantité de poisson pour le carême, qu’ils n’observaient pas très-rigoureusement. Mais le pain était une friandise très-rare dans les montagnes. Les marais produisaient une espèce de foin qui n’était certes pas très-bonne ; mais les chevaux écossais, comme leurs cavaliers, étaient alors accoutumés à une nourriture grossière. Gantelet, c’était le nom du palefroi de Simon, avait de la fougère sèche pour litière, et, sous les autres rapports, il était aussi bien pourvu que l’hospitalité montagnarde avait pu faire.

Simon Glover, abandonné ainsi à ses pénibles réflexions, n’avait rien de mieux à faire, après avoir vu que son compagnon muet de voyage ne pouvait manquer de rien, qu’à suivre l’avis du berger. Il monta la colline appelée Tom-an-Lonach, montagne des ifs, et après une demi-heure de marche il atteignit le sommet, d’où il put voir la vaste étendue du lac, dont cette hauteur commandait la magnifique perspective. Quelques vieux ifs épars d’une grande hauteur, justifiaient le nom que portait cette belle colline couverte de verdure. Mais un beaucoup plus grand nombre avaient été sacrifiés pour faire des arcs, besoin général à cette