Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/326

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jean, chef du clan de Quhele, et père de son apprenti Conachar, habitait ordinairement avec une pompe barbare, une suite et un cérémonial conformes à ces hautes prétentions. Nous ne nous arrêterons pas à décrire les fatigues et les dangers de ce voyage à travers des déserts et des montagnes : il fallait tantôt gravir des ravins escarpés, tantôt traverser des fondrières, et souvent passer de larges ruisseaux et même des rivières. Simon Glover avait déjà couru tous ces dangers par amour d’un gain honnête, et l’on ne pouvait supposer qu’ils lui parussent insurmontables quand il s’agissait de sauver sa liberté, ou même sa vie.

Le caractère belliqueux et barbare des habitants de ces pays sauvages eût paru à tout autre au moins aussi redoutable que les dangers du voyage ; mais la connaissance qu’avait Simon des mœurs et du langage de ces peuples le rassurait sur ce point. Un appel à l’hospitalité du Gaël le plus sauvage n’est jamais sans succès, et le montagnard, qui, dans toute autre circonstance, tuerait un homme pour avoir l’agrafe d’argent de son manteau, se priverait de sa propre nourriture pour secourir le voyageur qui a demandé l’hospitalité à la porte de sa chaumière. L’art de voyager sans danger est de paraître aussi confiant que possible : aussi le gantier n’avait aucune arme, voyageait sans la moindre apparence de précaution, et avait soin de ne rien montrer qui pût exciter la cupidité. Une autre règle qu’il jugea prudent d’observer, ce fut de n’avoir aucune communication avec les personnes qu’il pouvait rencontrer, si ce n’est pour échanger des civilités ordinaires que les montagnards oublient rarement. Il eut même peu d’occasion de satisfaire à ce devoir de politesse : la contrée, ordinairement très-peu fréquentée, semblait alors entièrement abandonnée. Dans quelques petites vallées qu’il traversa, les hameaux étaient déserts, et les habitants s’étaient réfugiés dans les bois et les cavernes. On concevait facilement qu’ils en eussent agi ainsi, en songeant à l’imminence d’une guerre qui devait être comme un signal général de pillage et de dévastations, tels que n’en avait jamais subi cette malheureuse contrée.

Simon commença à s’alarmer de cet état de désolation ; il avait fait une halte depuis son départ de Kinfauns, pour donner quelque repos à son cheval, et maintenant il était inquiet de savoir comment il passerait la nuit. Il avait compté s’arrêter dans la chaumière d’une vieille connaissance, qui s’appelait Niel Booshalloch, (ou le bouvier) parce qu’il était chargé de nombreux trou-