Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui a prêté pour sa résidence. Je ne puis vous y promettre du plaisir, belle Catherine ; car la duchesse Marjory de Rothsay est malheureuse, et son malheur la rend morose, hautaine et impérieuse. Sachant fort bien qu’elle manque des qualités qui plaisent, elle est jalouse des femmes qui les possèdent ; mais sa parole est sûre et son âme élevée. Elle ferait jeter dans les fossés de son château un prélat et le pape lui-même, s’il voulait arrêter quelqu’un qu’elle aurait pris sous sa protection ; vous y serez donc complètement en sûreté, quoique sans beaucoup d’agrément. — Je n’ai pas droit de demander davantage, dit Catherine ; et je ressens vivement la bienveillance qui m’assure une si honorable protection. Si la duchesse est hautaine, je me rappellerai qu’elle est une Douglas et qu’elle a droit d’avoir autant d’orgueil qu’en peut avoir un mortel ; si elle est acariâtre, je me souviendrai qu’elle est malheureuse ; si elle est exigeante au delà de toute mesure, je n’oublierai pas qu’elle est ma protectrice. Ne vous inquiétez plus pour moi, milord, quand vous m’aurez placée sous la protection de cette noble dame. Mais mon pauvre père, qui va s’exposer au milieu de ces hommes sauvages et cruels ! — Ne songe pas à cela, Catherine, dit le gantier, je suis aussi familier avec les brogues et les kilts, que si j’en avais porté moi-même. Je crains seulement que la bataille décisive n’ait lieu avant que je puisse quitter le pays, et si le clan de Quhele est vaincu, je souffrirai de la défaite de mes protecteurs. — Nous y pourvoirons, dit sir Patrick : comptez sur moi pour veiller à votre sûreté… Mais quel parti doit l’emporter, selon vous ? — Franchement, milord prévôt, je crois que le clan de Chattan aura le dessous ; les neuf fils du forestier ne forment que le tiers de la troupe qui entoure le chef du clan de Quhele, et ce sont de redoutables champions. — Et votre apprenti, croyez-vous qu’il fasse bonne contenance ? — Il est ardent comme le feu, sir Patrick, répondit le gantier ; mais il est presque aussi mobile que l’eau : néanmoins, s’il vit, il fera un jour un homme brave. — Mais à présent il a encore un peu du lait de la chèvre blanche autour du cœur, n’est-ce pas, Simon ? — Il n’a pas encore d’expérience, milord, et je n’ai pas besoin de dire à un chevalier tel que vous qu’il faut se familiariser avec le danger avant de pouvoir badiner avec lui comme avec une maîtresse. »

En conversant ainsi, ils arrivèrent au château de Kinfauns, où, après avoir pris quelques rafraîchissements, le père et la fille fu-