Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/320

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tante. Il y a environ dix-huit ans, le clan de Quhele étant en guerre avec le clan de Chattan ; car il leur arrive rarement d’être en paix, le premier éprouva une telle défaite que la famille de Mac-Jan fut presque entièrement détruite. Sept de ses fils furent tués pendant et après la bataille ; lui-même fut obligé de fuir, et son château fut pris et livré aux flammes. Sa femme, qui était sur le point d’accoucher, s’enfuit dans la forêt avec sa fille et un serviteur fidèle. Là, au milieu des inquiétudes et des chagrins, elle mit au monde un garçon ; et comme sa malheureuse situation ne lui permettait guère d’allaiter son enfant, il fut nourri avec le lait d’une biche, que le serviteur qui l’avait suivie était parvenu à prendre vivante dans un piège. Quelques mois après, dans une autre rencontre entre les deux clans belliqueux, Mac-Jan défit à son tour son ennemi, et reprit le territoire qu’il avait perdu. Ce fut avec une inexprimable joie qu’il apprit que sa femme et son fils vivaient encore ; car il ne s’attendait plus à revoir d’eux que leurs ossements rongés par les loups et les chats sauvages.

« Mais un préjugé fortement enraciné, comme en conservent souvent ces peuples grossiers, empêcha leur chef de goûter pleinement le bonheur de retrouver ainsi son fils unique sain et sauf. Une ancienne prophétie populaire répandue parmi eux annonçait que la puissance du clan serait détruite par le moyen d’un enfant qui naîtrait sous un buisson de houx, et qui serait allaité par une biche blanche. Malheureusement cette prédiction s’accordait parfaitement avec la naissance du seul fils qui restât à Gilchrist, et les anciens du clan lui demandèrent que l’enfant fût mis à mort, ou au moins exilé du pays, et élevé dans l’obscurité. Gilchrist Mac-Jan fut obligé d’y consentir, et ayant choisi le dernier parti, l’enfant, sous le nom de Conachar, fut élevé au sein de ma famille, afin de pouvoir lui cacher qui il était et les droits qu’il avait à commander un peuple nombreux et puissant. Mais les années s’écoulèrent et les anciens du clan, qui avaient exercé une si grande autorité, moururent, ou furent mis par l’âge hors d’état de se mêler des affaires publiques ; d’un autre côté, l’influence de Mac-Jan s’accrut par plusieurs avantages qu’il remporta sur le clan de Chattan, et qui rétablirent entre les deux populations ennemies l’égalité qui existait avant la désastreuse défaite dont j’ai parlé à Votre Honneur. Voyant donc son pouvoir raffermi, il désira naturellement faire rentrer son