Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/32

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rais que le plus capable d’entre eux osât tenir un pareil langage au faîte du Hinnoul, et qu’il n’y eût sur le terrain que lui et moi. — Oui, oui, reprit Glover, nous aurions alors un bel exemple de ta patience à dévorer les affronts. Fi donc, Henri ! vouloir en conter ainsi à un homme qui te connaît si bien ! Tu regardes Kate aussi comme si elle ne savait pas qu’un homme en ce pays doit remuer la main pour garder sa tête, et pour peu qu’il veuille dormir en paix. Allons, allons, je veux être maudit si tu n’as pas brisé autant d’armures que tu en as fabriqué. — Ma foi, ce serait un mauvais armurier, père Simon, que celui qui ne saurait prouver son talent par ses propres coups. Si je ne m’amusais pas parfois à fendre un casque, ou à briser une pointe d’épée contre un habit de fer, je ne saurais pas quelle force de trempe leur donner : et elles pourraient aller de pair avec les armures de carton que les forgerons d’Édimbourg n’ont pas honte de laisser sortir de leurs mains. — Ah ! ah ! maintenant je parierais une couronne d’orque tu as eu une querelle à ce sujet avec quelque Haleine-Brûlante d’Édimbourg ? — Une querelle ! Non, père, répliqua l’armurier de Perth ; j’ai seulement mesuré mon épée contre un confrère, sur la colline de Saint-Léonard, pour l’honneur de ma jolie ville, cela je l’avoue. Certainement, vous ne pensez pas que je voulusse jamais me quereller avec mon frère en métier. — Oh ! non certainement ; mais comment le confrère s’en est-il tiré ? — Ma foi, comme un homme se tirerait d’un coup de lance avec une chemise de papier sur la poitrine, ou plutôt, il ne s’en est point tiré du tout ; car, quand je l’ai quitté, il était gisant dans la loge de l’ermite, attendant chaque jour la mort, à laquelle père Gervais a dit qu’il se préparait saintement. — Bien. N’as-tu pas mesuré ton épée une seconde fois ? demanda Simon. — Ma foi si ; j’ai en outre combattu un Anglais à Berwick, pour la vieille question de la suprématie[1], comme ils disent ; je suis sûr que vous ne m’auriez pas empêché d’aller à une telle rencontre, et j’ai eu le bonheur de le blesser au genou gauche. — Très-bien, par Saint-André ! Et ensuite, avec qui as-tu réglé tes comptes ? » dit Glover, riant des exploits de son pacifique ami.

« Ensuite, j’ai combattu un Écossais dans le Torwood, parce que nous ignorions lequel des deux était plus habile au sabre, difficulté qu’on ne pouvait résoudre sans un essai, comme vous le comprenez bien. Le pauvre diable a perdu deux doigts. — Ad-

  1. Celle de l’Angleterre sur l’Écosse. a. m.