Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/315

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rons séparés pour toujours… qu’il ne pense point… qu’il ne pense point à moi avec trop d’amertume. Dites-lui que Catherine ne le tourmentera plus par ses remontrances, mais qu’elle ne l’oubliera jamais dans ses prières. — Cette fille a une langue qui ferait pleurer un Sarrasin, » dit Simon, qui mêlait ses larmes à celles de sa fille. « Mais je ne céderai point à cette machination entre un prêtre et une religieuse pour m’enlever mon seul enfant. Descends, ma fille, et laisse-moi me vêtir. Prépare-toi à obéir à tout ce que je t’ordonnerai de faire pour ta sûreté. Rassemble quelques effets et ce que tu as de plus précieux ; prends les clefs de la cassette de fer dont le pauvre Henri m’a fait présent, et partage l’or que tu y trouveras en deux portions ; mets-en une dans une bourse pour toi-même, et l’autre dans la ceinture rembourrée que je porte en voyage. Nous serons ainsi munis l’un et l’autre, dans le cas où le destin nous séparerait ; et si cela arrive, fasse le ciel que l’ouragan abatte la feuille desséchée et épargne celle qui est verte encore ! Qu’on prépare à l’instant mon cheval et le genêt blanc que j’ai acheté hier pour toi, espérant te le voir monter pour aller à l’église de Saint-Jean au milieu des filles et des femmes, mariée aussi joyeuse que la plus joyeuse qui ait jamais passé le seuil du temple. Mais à quoi sert de parler ? Va, et souviens-toi que les saints aident ceux qui sont disposés à s’aider eux-mêmes. Pas un mot de réponse ; va, te dis-je ! pas d’observations maintenant. Par un temps calme, le pilote laisse un mousse jouer avec le gouvernail ; mais, par mon âme ! quand le vent siffle et que les vagues s’élèvent, il le tient lui-même. Descends donc sans mot dire. »

Catherine quitta la chambre pour exécuter aussi bien qu’elle pourrait les ordres de son père ; car d’un naturel doux, et aimant tendrement sa fille, le père Glover souffrait souvent qu’elle dirigeât les volontés de tous deux. Mais Catherine savait fort bien qu’il était accoutumé à exiger l’obéissance filiale et à exercer l’autorité paternelle quand l’occasion semblait demander toute la rigueur de la discipline domestique.

Tandis que la belle Catherine s’occupait à exécuter les ordres de son père, et que le bon Glover se hâtait de s’habiller, comme un homme qui va se mettre en route, le pas d’un cheval se fit entendre dans la petite rue. Le cavalier était enveloppé dans son manteau, dont un pan était relevé et cachait le bas de sa figure, tandis qu’un bonnet orné d’un large panache couvrait le haut de