Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/309

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homme qu’une jeune femme ne peut estimer, et ne veut jamais épouser, sont déplacées et inconvenantes. « Vous avez déjà accordé plus de faveurs à Henri Smith que votre mère, à qui Dieu fasse paix ! ne m’en accorda jamais avant notre mariage. Je vous le dis, Catherine, se jouer ainsi de l’amour d’un honnête homme est ce que je ne veux, ni ne dois endurer. J’ai donné mon consentement à ce mariage, et j’insiste pour qu’il se fasse sans délai ; il faut que vous receviez demain Henri Smith comme un homme dont vous deviendrez bientôt la femme. — Un pouvoir au-dessus du vôtre s’y oppose, mon père, dit Catherine. — Nous verrons cela ; mon pouvoir est légitime, c’est celui d’un père sur son enfant, sur un enfant qui s’égare ; Dieu et les hommes reconnaissent mon autorité. — Que le ciel vienne donc à notre aide ! car, si vous persistez dans votre projet, nous sommes perdus. — Nous n’avons point d’aide à attendre du ciel quand nous agissons contre la raison. Je suis assez clerc pour savoir cela, et tout prêt à dire que votre résistance sans motif à ma volonté est un péché. Et de plus, vous avez parlé avec mépris du saint appel au jugement de Dieu par l’épreuve du combat. Prenez garde, car la sainte Église veille attentivement sur son troupeau pour extirper l’hérésie par le fer et le feu. Je vous en avertis. »

Catherine fit entendre une exclamation à demi étouffée, et s’efforçant de prendre un air calme, elle promit à son père que, s’il voulait lui épargner toute discussion sur ce sujet jusqu’au lendemain matin, elle viendrait lui faire un aveu complet de ses sentiments.

Simon Glover fut forcé de se contenter de cette promesse, quoique très-inquiet de l’explication qui devait avoir lieu. Ce ne pouvait être par légèreté ni par caprice que sa fille agissait avec une inconséquence si singulière envers l’homme qu’il lui avait choisi pour mari, et que tout récemment elle avait choisi elle-même d’une manière si peu équivoque. Quelle cause étrangère et d’une si puissante influence avait pu changer des résolutions qu’elle avait manifestées si clairement il n’y avait pas vingt-quatre heures, c’était une chose qu’il ne pouvait comprendre.

« Mais je serai aussi obstiné qu’elle, pensa le gantier ; elle épousera Henri Smith sans plus tarder, où elle donnera au vieux Simon un excellent motif pour ne pas le faire. »

On n’en parla plus ce soir-là, mais le lendemain matin, au lever du soleil, Catherine s’agenouilla devant le lit où son père dor-