Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/289

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quiconque dit que j’ai fait le moindre mal à ce corps mort… » Conformément à l’usage, il jeta son gant sur le pavé de l’église.

Henri Smith s’avança au milieu des murmures approbateurs que la présence même du roi ne pouvait comprimer. Il ramassa le gant qu’il plaça dans son bonnet, et selon la coutume, jeta le sien pour gage de la bataille. Mais Bonthron ne le releva pas.

« Il n’est pas mon égal, murmura le brigand, il n’est pas digne de relever mon gant, je suis au service du prince d’Écosse, étant de la maison de son écuyer : cet homme n’est qu’un misérable artisan. »

Le prince l’interrompit dans ce moment : « Tu es à mon service, drôle ! s’écria-t-il ; je te chasse à l’instant… Prends-le, Smith, et frappe sur lui, comme tu n’as jamais frappé sur l’enclume… Ce drôle est un scélérat et un lâche. Sa vue seule me dégoûte, et si mon royal père veut m’en croire, il donnera à chacun des champions une belle hache d’Écosse, et nous verrons lequel des deux l’emportera avant que le jour soit plus vieux d’une heure. »

Cette proposition fut acceptée par le comte de Crawford et sir Patrick Charteris, parrains des parties qui, eu égard à ce que les adversaires étaient d’un rang inférieur, convinrent qu’ils combattraient, un casque d’acier sur la tête, en jaquette de buffle et avec des haches, et qu’ils se prépareraient au combat à l’instant même.

On choisit pour la lice le champ des Pelletiers : c’était un terrain dans le voisinage, occupé par la corporation dont il portait le nom, et qui pouvait fournir aux combattants un espace d’environ trente pieds de long sur vingt-cinq de large. Là, se portèrent en foule les nobles, les prêtres, les bourgeois… tous, excepté le vieux roi, qui ayant en horreur ces scènes de sang, se retira dans son palais et remit le soin de présider au combat au comte d’Errol, lord grand connétable, à l’office duquel cette commission se rattachait plus particulièrement. Le duc d’Albany observait tout d’un œil attentif et circonspect. Son neveu regardait cette scène avec l’étourderie qui distinguait son caractère.

Quand les combattants parurent dans la lice, tout le monde fut frappé du contraste que formait le visage joyeux de l’armurier, dont les yeux étincelants semblaient déjà rayonner de triomphe, avec l’air morne et abattu du sauvage Bonthron, qui ressemblait à un oiseau de nuit, arraché de son noir réduit et forcé de pa-