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Cependant il avait entraîné l’individu qu’il accueillait si cordialement dans une espèce de cuisine qui servait aussi de salle à manger dans les occasions ordinaires. Les ornements de cette pièce étaient des assiettes d’étain, entremêlées de quelques gobelets d’argent, qui, tenus avec une propreté éblouissante, étaient posées sur une rangée de tablettes semblables à celles d’un buffet, populairement appelé le bink. Un bon feu et une lampe flamboyante répandaient une joyeuse lumière dans l’appartement, et le fumet savoureux des mets que préparait Dorothée n’offensait nullement l’odorat de ceux dont ils allaient satisfaire l’appétit.

L’hôte du maître gantier se trouvait alors en pleine lumière ; et, quoique son extérieur n’eût pas beaucoup de noblesse ni de beauté, son visage et sa tournure non-seulement méritaient l’attention, mais semblaient même la commander. Il avait à peine une taille moyenne ; mais la largeur de ses épaules, la longueur de ses bras charnus, et l’apparence musculaire de tout son corps, indiquaient une force extraordinaire et une constitution tenue en vigueur par un exercice constant. Ses jambes étaient un peu courbées, sans approcher de la difformité ; au contraire, elles semblaient répondre à la solidité de ses formes, quoiqu’elles en détruisissent un peu la symétrie. Il portait un vêtement de buffle ; à la ceinture qui lui serrait le milieu du corps, étaient attachés un pesant et large sabre et un dirk ou poignard, destinés à défendre sa bourse, qui, selon l’usage des bourgeois, était suspendue à cette même ceinture. La tête était bien proportionnée, ronde et garnie d’une chevelure courte, épaisse, noire et frisée. L’audace et la résolution brillaient dans son œil noir : mais le reste de sa physionomie semblait exprimer une modeste timidité, mêlée de bonne humeur, et une vive satisfaction d’avoir rencontré ses vieux amis. Abstraction faite de cet air timide qui venait de la circonstance, le front de Henri Gow ou du Forgeron (car on lui donnait indifféremment ces deux noms, qui indiquaient son état) était haut et noble ; la partie inférieure de sa figure était moins heureusement conformée. Sa bouche était large et bien approvisionnée de deux rangées de solides et belles dents, dont la force répondait à l’air de santé et de vigueur musculaire qui brillait dans tout son corps. Une barbe courte et épaisse, des moustaches arrangées avec soin, complètent son portrait. Il pouvait avoir environ vingt-huit ans.

Toute la famille parut fort contente de l’arrivée inattendue