Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/261

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vers l’endroit où l’armurier se tenait parmi les gens de sa classe, au bas bout de la table, et le prenant par la main :

« Henri Gow ou Smith, dit-elle, fidèle bourgeois et artisan, mon, mon… » Elle eût voulu dire mon mari : mais le mot ne put sortir de sa bouche, elle fut obligée de prendre une autre tournure.

« Le défunt vous aimait et vous estimait par-dessus tous les hommes : il est donc convenable que vous souteniez la querelle de sa veuve et de ses enfants. »

S’il eût été possible qu’Henri rejetât sans se déshonorer une marque de confiance que tout le monde semblait lui destiner, ou qu’il s’y dérobât par quelques faux-fuyants, tout désir de retraite eût été banni de son esprit quand la veuve s’adressa à lui : un ordre du ciel eût à peine fait plus d’impression sur lui que la sommation de l’infortunée Madeleine. L’allusion qu’elle avait faite à son intimité avec le défunt le toucha jusqu’au fond de l’âme. Sans doute il y avait quelque chose de ridicule dans l’excessive prédilection d’Olivier pour Henri, et l’extrême diversité de leur caractère pouvait la faire paraître bizarre ; mais tout cela était oublié maintenant, et Henri, s’abandonnant à sa bonté naturelle, se rappelait seulement qu’Olivier avait été son ami et son compagnon ; qu’il l’avait aimé et honoré autant qu’il pouvait aimer et honorer un homme, et qu’enfin le bonnetier était vraisemblablement tombé sous un coup dirigé contre Henri lui-même.

Ce fut donc avec un empressement, qu’une minute auparavant il aurait à peine pu feindre, et qui semblait maintenant provenir d’un dévouement sincère, qu’il posa ses lèvres sur le front glacé de la malheureuse Madeleine, et qu’il répliqua :

« Moi, Henri Smith, demeurant dans le Wynd de Perth, homme de bien et fidèle, libre par naissance, j’accepte l’office du champion de cette veuve, Madeleine, et de ces enfants orphelins, et combattrai dans leur querelle jusqu’à la mort, avec quelque homme que ce soit de mon rang, et cela aussi long-temps qu’il me restera souffle de vie. Ainsi me soient en aide, quand j’aurai besoin de leur assistance, Dieu et saint John ! »

Il s’éleva dans l’auditoire un cri à demi étouffé qui exprimait l’intérêt que chacun prenait à l’issue de cette affaire, et la confiance qu’inspiraient les champions de la veuve.

Sir Patrick Charteris prit des mesures pour se présenter devant le roi et lui demander la permission de procéder à l’enquête re-