Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/259

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pos de demander qui servirait de champion à Madeleine Proudfute et à ses deux enfants.

« Question superflue, dit sir Patrick Charteris ; nous sommes des hommes et portons des épées, et nous les briserions sur la tête de celui qui refuserait de s’armer en faveur de la veuve et des orphelins de notre concitoyen assassiné, pour venger honorablement sa mort. Si John Ramorny lui-même accepte le défi, Patrick Charteris de Kinfauns combattra contre lui à outrance, aussi long-temps que le cavalier et la monture seront debout, aussi long-temps que la poignée et la lame resteront unies. Mais, dans le cas où l’adversaire serait un simple cavalier de la garde, je propose que Madeleine Proudfute ait la liberté de choisir son champion parmi les plus braves bourgeois de Perth : honte et déshonneur à jamais sur la ville, si elle désignait un homme assez traître et assez lâche pour lui dire non. Amenez la veuve ici, afin qu’elle fasse son choix. »

Henri Smith entendit ces paroles avec le triste pressentiment que la pauvre veuve le demanderait pour son champion. Ainsi la bonne intelligence rétablie depuis peu entre lui et sa maîtresse allait être déjà troublée ; et il se trouvait forcé de s’engager dans une querelle dont il n’apercevait aucun moyen de se tirer honorablement. Dans toute autre circonstance il aurait regardé cette affaire comme une glorieuse occasion de se distinguer sous les yeux de la cour et de la ville. Mais il savait qu’instruite par les leçons du père Clément, Catherine regarderait l’épreuve du combat plutôt comme un outrage à la religion que comme un appel à la divinité ; qu’elle trouverait déraisonnable de considérer la force du bras, ou l’adresse à manier les armes, comme une preuve de la culpabilité ou de l’innocence. Il avait donc beaucoup à craindre des opinions de Catherine, opinions plus éclairées que celles du temps où elle vivait.

Pendant qu’il était en proie à ces sentiments opposés, Madeleine, la veuve de la victime, entra dans la cour, enveloppée d’un grand voile de deuil, accompagnée et soutenue par cinq ou six femmes de bien (c’est-à-dire respectables), portant le même costume lugubre. Une de ces dernières portait un enfant dans ses bras, le dernier gage de la tendresse conjugale du pauvre Olivier. Une autre conduisait par la main une petite créature d’environ deux ou trois ans, qui regardait avec surprise et effroi, tantôt les habits noirs dont on l’avait revêtue, tantôt la scène qui se passait autour d’elle.