Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/250

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ma fille ne sera pas offensée ; elle a passé beaucoup de temps avec le père Clément, et elle en a reçu des principes sur la paix et le pardon des injures qui, ce me semble, conviennent mal à un pays où les lois ne peuvent nous protéger quand nous n’avons pas assez de cœur pour nous protéger nous-mêmes. Si vous vous déterminez à combattre, je ferai de mon mieux pour la décider à envisager la chose comme le feraient toutes les femmes de bien de la ville. Si vous vous décidez à laisser l’affaire s’assoupir… à laisser l’homme qui a perdu la vie pour vous sans vengeance… sa veuve et ses orphelins sans réparation pour la perte d’un mari et d’un père… je saurai me rappeler que, moi au moins, je n’en dois pas penser plus mal de vous, puisque vous n’aurez pris le parti de la patience que par amour pour mon enfant. Mais, Henri, dans ce cas nous devons nous éloigner de la ville de Saint-Johnston, car nous n’y serions plus qu’une famille déshonorée. »

Henri poussa un profond soupir, et, après un moment de silence, il répondit : « J’aimerais mieux être mort que déshonoré, quand je devrais ne jamais la revoir ! Si c’eût été hier au soir, j’aurais été attaquer le plus brave de ces hommes d’armes aussi joyeusement que j’ai jamais dansé autour de l’arbre de mai ; mais aujourd’hui, quand pour la première fois elle m’a presque dit : « Henri Smith, je t’aime ! » mon père Glover, c’est bien dur. Oui, je suis cause de cette mort fatale ; j’aurais dû lui accorder l’hospitalité dans ma maison quand il me la demandait dans l’excès de son effroi ; et, au moins, si je l’avais accompagné, j’aurais empêché sa mort ou je l’aurais partagée. Au lieu de cela, je l’accablai de railleries, de sarcasmes, de malédictions, quoique les saints connaissent que je ne parlais que par impatience et de mauvaise humeur. Je le chassai de ma maison, lui que je connaissais si incapable de se défendre, et pour qu’il allât subir le sort qui peut-être m’était réservé. Je dois le venger ou être déshonoré pour toujours. Vous voyez, mon père ; on a dit que j’étais dur comme l’acier que je travaille : l’acier répand-il des larmes comme celles-ci ? Honte à moi, qui les répands ! — Il n’y pas de honte, mon cher fils, dit Simon ; tu es aussi bon que tu es brave ; je l’ai toujours pensé. Nous avons encore une chance de salut. Peut-être ne découvrira-t-on pas le meurtrier, et dans ce cas, le combat ne peut avoir lieu. Il est dur d’être réduit à souhaiter que le sang innocent ne soit point vengé ; mais si l’auteur de cet horrible meurtre se dérobe aux recherches pour le moment,