Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/239

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Mais dans la foule distraite, où chacun demandait ou expliquait la cause de ce violent tumulte, le désordre de sa toilette, l’agitation qui se voyait dans toute sa personne, ne furent remarqués de personne. On la laissa poursuivre son chemin sans lui accorder plus d’attention qu’aux autres femmes, qui, attirées par la curiosité ou par la crainte, venaient s’informer de la cause d’une alarme si générale… et peut-être chercher des amis.

Catherine éprouvait l’influence de la scène tumultueuse qu’elle avait sous les yeux ; elle résista avec peine à la tentation de répéter les cris de désespoir ou d’alarme qui retentissaient autour d’elle. Cependant elle poursuivait rapidement sa course, troublée, comme on l’est dans un rêve, par le sentiment d’une calamité terrible. Elle n’aurait su définir la nature précise de l’anxiété qui la tourmentait, mais elle avait une sorte de conviction instinctive, que l’homme dont elle était si tendrement aimée, que cet Henri dont elle avait toujours apprécié les excellentes qualités, que cet amant pour lequel elle éprouvait maintenant une affection beaucoup plus vive qu’elle n’avait cru en éprouver jusqu’alors, que cet homme enfin avait péri par son imprudence à elle. La relation que, dans le premier moment d’une émotion terrible, elle avait cru apercevoir entre la mort de Henri et l’arrivée de Conachar et de ses montagnards, était assez frappante pour qu’elle l’eût admise comme une vérité, quand même sa raison aurait eu le loisir d’en examiner la vraisemblance. Sans savoir ce qu’elle cherchait, poussée seulement par un désir vague de s’assurer de la réalité de cet affreux malheur, elle se précipitait vers l’endroit que, d’après les événements de la veille, elle aurait dû éviter le plus soigneusement.

Qui aurait pensé, dans la soirée du mardi gras, que Catherine Glover, cette jeune fille si fière et si réservée, parcourrait les rues de Perth au milieu d’une foule tumultueuse, les cheveux détachés, les vêtements en désordre, pour se rendre à la maison de l’amant dont elle devait se croire lâchement abandonnée pour de licencieux plaisirs ? Qui aurait pensé, dis-je, que tout cela arriverait avant la messe du jour des Cendres ? Dans son empressement, elle choisit, comme par instinct, le chemin le plus libre, et évitant High-Street, encombré par la foule, elle se dirigea vers le Wynd[1],

  1. Nom générique des petites rues étroites, aboutissant de chaque côté à la rue haute d’Édimbourg. Toute petite rue étroite, où il ne peut passer qu’une voiture, s’appelle un Wynd ; et toute rue où il ne passe que des piétons se nomme Close. a. m.