Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/225

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mon père. — Auquel votre oncle commande absolument. Je suis un homme disgracié, jeté à l’écart comme une chose inutile, ainsi que j’y puis jeter maintenant le gant de ma main droite. Mais, si ma main est perdue, ma tête peut encore vous servir. Votre Grâce est-elle disposée à entendre un mot sur un sujet sérieux ?… car je suis extrêmement faible, et je sens mes forces qui s’affaiblissent. — Parle tant que tu voudras, dit le prince ; la perte que tu as faite m’oblige à t’écouter, ton bras mutilé est un spectre qui me poursuit. Parle donc, mais use avec modération de ton important privilège. — Je serai bref dans mon intérêt comme dans le vôtre ; d’ailleurs, j’ai peu de chose à dire.

Douglas, en ce moment, se met à la tête de ses vassaux ; il va rassembler, au nom du roi Robert, trente mille habitants des frontières, qu’il amènera bientôt après dans l’intérieur du royaume, pour demander que le duc de Rothsay accorde ou plutôt restitue à Marjory Douglas le rang et les privilèges de duchesse de Rothsay ; le roi Robert accédera à toutes les conditions qui pourront assurer la paix… Que fera le duc ? — Le duc de Rothsay aime la paix, » répondit le prince avec hauteur, « mais il n’a jamais craint la guerre. Avant qu’il reçoive de nouveau cette fille orgueilleuse à sa table et dans sa couche, par ordre de Douglas, Douglas sera roi d’Écosse. — Soit ; mais ce n’est là que le danger le moins pressant, car il ne vous menace que d’une violence ouverte : Douglas ne travaille point en secret. — Quel est donc ce péril pressant, et qui nous tient éveillés si tard ? Je suis fatigué, tu es blessé, et les flambeaux pâlissent, comme s’ils étaient las de notre conférence. — Dites-moi donc quel est l’homme qui gouverne le royaume d’Écosse, demanda Ramorny. — Robert III du nom, » répondit le prince, qui ôta son bonnet en prononçant ces mots ; « et puisse-t-il long-temps tenir le sceptre. — Amen, cela est vrai, répondit Ramorny. Mais qui gouverne le roi Robert, qui décide de toutes les mesures que prend le bon roi ? — Milord d’Albany, voulez-vous dire ? Oui il est vrai que mon père se laisse guider entièrement par les conseils de son frère, et en conscience, sir John Ramorny, nous ne pouvons le blâmer, car il tire peu d’aide de son fils. — Aidons-le maintenant, milord, dit Ramorny ; je possède un terrible secret… Albany m’a fait des propositions pour me joindre à lui, afin d’attenter à la vie de Votre Altesse ; il m’offre un pardon entier pour le passé, et une haute faveur pour l’avenir. — Comment, ma vie ? Je pense que vous voulez parler