Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/223

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dis que, si vous voulez porter un jour la couronne d’Écosse, si vous voulez même voir un autre anniversaire de la Saint-Valentin, vous devez… — Et que dois-je faire, Ramorny ? » dit le prince avec un air de dignité ; « rien d’indigne de moi, j’espère. — Rien assurément qui soit indigne ou mal séant à un prince d’Écosse, si les sanglantes annales de notre patrie disent la vérité, mais quelque chose qui pourrait agiter les nerfs du prince des mimes et des bouffons. — Vous êtes sévère, sir John Ramorny, » répondit le duc de Rothsay d’un air mécontent ; « mais vous avez chèrement payé le droit de nous censurer, par la perte que vous avez faite à notre service. — Milord de Rothsay, reprit le chevalier, le chirurgien qui a pansé ce bras mutilé m’a dit que, plus je ressentais la douleur causée par le bistouri et le fer à cautériser, plus ma guérison était probable ; je n’hésiterai donc pas à blesser vos sentiments, si je puis de cette façon vous faire comprendre ce qui est nécessaire à votre sûreté. Votre Grâce a été trop longtemps le fils de la Folie et des Plaisirs ; elle doit à présent se conduire en homme et en politique, ou le duc de Rothsay sera écrasé comme un papillon au sein des fleurs sur lesquelles il aime à folâtrer. — Je crois savoir où tend votre morale, sir John, vous êtes las de ces joyeuses folies… que les gens d’Église appellent des vices… vous prétendez à des crimes un peu plus sérieux. Un meurtre ou un massacre rehaussera-t-il la saveur de la débauche, comme le goût de l’olive rehausse la saveur du vin ? Mes pires erreurs, à moi, ne sont que de joyeux traits de malice ; je n’ai pas de goût pour le sang, et j’abhorre même d’entendre parler d’actions sanglantes, n’eussent-elles été commises que sur les plus misérables gens. Si jamais j’occupe le trône (je suppose d’abord qu’à l’exemple de mon père je changerai mon nom contre celui de Robert, en l’honneur de Bruce), alors chaque jeune Écossais aura son flacon dans une main, et l’autre autour du cou de sa maîtresse : les hommes seront conduits par les baisers et les rasades, et non par les dagues et les chaînes : on écrira sur mon tombeau : « Ci gît Robert, quatrième du nom : il ne gagna pas de bataille, comme Robert Ier ; il ne s’éleva pas du rang de comte à celui de roi, comme Robert II ; il ne fonda pas d’église, comme Robert III ; il se contenta de vivre et de mourir roi des joyeux garçons. » Parmi mes ancêtres qui ont régné deux siècles, je n’envie d’autre gloire