Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/22

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« Laisse-les passer, disait-il, laisse-les passer, Catherine, ces galants, avec leurs chevaux fringants, leurs éperons retentissants et leurs belles moustaches ; ils ne sont pas de notre classe, et nous ne devons pas vouloir marcher de pair avec eux. C’est demain le jour de Saint-Valentin : chaque oiseau se choisit une compagne[1] ; mais vous ne verrez pas la linotte s’accoupler avec l’épervier, ni le rouge-gorge avec le milan. Mon père était un honnête bourgeois de Perth, et savait manier l’aiguille aussi bien que moi ; la guerre s’approchait-elle des portes de notre belle ville, il quittait aiguilles, fil et peau de chamois ; il tirait le casque solide et la targe du coin obscur, et décrochait sa longue lance du manteau de la cheminée. Qu’on désigne le jour où mon père, ou bien moi, nous fûmes absents lorsque le prévôt a fait sa revue ! c’est ainsi que nous avons vécu, ma fille, travaillant pour gagner notre pain, et combattant pour le défendre. Je ne veux point d’un gendre qui croie valoir plus que moi ; et quant à ces seigneurs et chevaliers, j’espère que tu te rappelleras toujours que ton rang est trop humble pour devenir leur légitime prostituée. Ainsi donc, quitte ton ouvrage, mon enfant, car c’est veille de fête, et il convient que nous allions au service du soir prier le ciel qu’il t’envoie demain matin un bon Valentin. »

La Jolie Fille de Perth serra donc le magnifique gant de chasse qu’elle s’occupait à broder pour lady Drummond, et mettant sa mante des dimanches, elle se disposa à suivre son père au monastère des moines noirs, qui touchait à Couvrefew-Street. En traversant la rue, Simon Glover, ancien et digne bourgeois de Perth, quelque peu avancé en âge, et chargé d’embonpoint, recevant des jeunes gens et des vieillards l’hommage dû à son justaucorps de velours et à sa chaîne d’or, pendant que la beauté de Catherine, quoique cachée par sa pelisse… qui ressemblait à la mantille que l’on porte encore en Flandre… attirait au gantier les salutations et les coups de bonnet des jeunes et des vieux.

Tandis qu’ils s’avançaient ainsi, le père donnant le bras à sa fille, ils étaient suivis par un grand et beau jeune homme portant le costume ordinaire des gens de la campagne, mais dont la tournure n’était pas dépourvue d’élégance. Il était coiffé d’un petit

  1. C’est une opinion populaire qu’en Angleterre, le jour de Saint-Valentin, vers la mi-février, chaque oiseau se choisit une compagne pour le reste de l’an ; et de même le premier homme que voit ce jour-là une jeune fille doit être son ami ou son Valentin jusqu’à l’année suivante. a. m.