Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/218

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tendait fort bien tout cela, et reconnaissait parfaitement les intrus qui frappaient si fort ; mais il pensait que dans l’état où se trouvait son maître, il valait mieux ne pas répondre du tout, et laisser la compagnie se lasser d’elle-même, que d’essayer de changer ses résolutions, ce qu’il savait être absolument impossible. La chambre à coucher de Ramorny donnant sur un petit jardin, le page se flattait qu’il ne serait pas éveillé par le bruit, et il se fiait assez à la solidité de la porte extérieure pour croire qu’avant de la briser ils auraient eu le temps de cuver leur vin et leur ivresse. La bande semblait donc devoir bientôt s’épuiser, au milieu du tapage qu’ils faisaient en criant et en frappant à la porte, quand leur prince pour rire (qui ne méritait que trop cette épithète)se moqua d’eux, en les appelant prêtres fainéants et stupides du dieu du vin et de la joie.

« Approchez notre clef… que voilà, dit-il, et appliquez-la à cette porte rebelle… »

La clef qu’il désignait était un grand morceau de bois, laissé dans la rue avec ce manque d’ordre caractéristique d’une petite ville d’Écosse à cette époque.

Tout en hurlant de joie, les Indiens prirent aussitôt la poutre dans leurs bras, et la soutenant par leurs forces réunies, s’élancèrent contre la porte avec une telle vigueur que serrures, gonds et verrous retentirent, en promettant de bientôt céder. Éviot pensa ne devoir pas attendre qu’on enfonçât la porte ; il descendit dans la cour, et après quelques questions dilatoires pour la forme, ordonna au portier d’ouvrir comme s’il ne reconnaissait qu’à l’instant les visiteurs nocturnes.

« Esclave menteur d’un maître rebelle, dit le prince, où est notre déloyal sujet, sir John Ramorny qui a refusé de se rendre à notre invitation ? — Milord, » répondit Éviot en s’inclinant, devant la dignité à la fois réelle et supposée du chef ; « mon maître est en cet instant même fort indisposé… il a pris une potion soporifique… et Votre Altesse m’excusera, je ne fais que remplir mon devoir en lui disant qu’on ne peut parler à sir John sans mettre sa vie en péril. — Bah ! ne me parle pas de péril, maître Teviot… Cheviot… Éviot… comment diable t’appelle-t-on ?… mais indique-moi la chambre de ton maître ; ou plutôt ouvre-moi la porte de la maison, et je saurai bien la trouver moi-même… Levez la calebasse, mes braves amis, et tâchez de ne pas répandre une goutte de la liqueur que Bacchus a envoyée pour guérir toutes