Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/217

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un mot d’écrit, lui qui se pique d’être si habile clerc ? — Il était au lit, milord, et je n’ai pu le voir. À ce que j’ai entendu dire, il vit fort retiré, souffrant des contusions qu’il a reçues, affligé d’avoir perdu la faveur de Votre Altesse, et craignant d’être insulté dans les rues, parce qu’il n’a échappé qu’à grand’peine aux manants qui le poursuivirent, lui et ses deux domestiques, jusqu’au couvent des dominicains. En outre quelques domestiques ont été renvoyés dans le comté de Fife, de peur d’indiscrétion. — Ma foi, c’est sagement fait, » dit le prince, qui, on l’a sans doute deviné, avait à porter ce titre un meilleur droit que celui qu’il devait aux amusements de la soirée… « Il est fort prudent d’écarter ces drôles à la langue légère. Mais l’absence de sir John lui-même à notre fête solennelle, depuis si long-temps annoncée, n’en est pas moins une mutinerie, une déclaration de désobéissance. Si, néanmoins, le chevalier est réellement empêché par la maladie et le chagrin, nous sommes tenus à lui rendre visite ; car il ne peut y avoir de meilleur remède pour lui que notre présence et un gentil baiser de la calebasse… En avant, écuyers, ménestrels, gardes et seigneurs ! Portez haut le grand emblème de notre dignité… Levez la calebasse, vous dis-je ! et que les joyeux lurons qui portent ces quartaut dont le contenu doit remplir la coupe, soient des drôles capables de se tenir encore sur leurs pieds. Leur fardeau est lourd et précieux, et, si nos yeux ne nous trompent pas, ils nous paraissent pencher et chanceler plus qu’il n’est permis. Allons, en marche, messieurs, et que nos musiciens nous donnent quelque chose de gai et de bruyant. »

Ils partirent donc enivrés par la gaieté et par de fréquentes libations ; les nombreuses torches lançaient leur lumière rougeâtre contre les petites fenêtres par où les bourgeois en bonnets de nuit, et quelquefois leurs épouses passaient la tête à la dérobée pour connaître la cause du tumulte qui troublait les rues paisibles à cette heure indue. À la fin, la joyeuse bande s’arrêta devant la porte de sir John Ramorny : une petite cour séparait la maison de la rue.

Là ils frappèrent, crièrent et hurlèrent, avec mille menaces de vengeance contre les rebelles qui refusaient d’ouvrir. La dernière punition dont ils les menacèrent, fut un emprisonnement sous un muid vide dans le cachot du palais féodal du prince de Passe-Temps, c’est-à-dire la cave à l’ale. Éviot, le page de Ramorny, en-