Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jeanne Letham. Mais tu sais que ce vendeur de drogues parle toujours d’une manière avec son visage, d’une autre avec sa langue… Or, toi, Olivier, tu as trop peu d’esprit… je veux dire beaucoup trop d’honnêteté… pour mentir. Et comme Dwining m’a lâché que tu l’avais vue aussi… — Moi, je l’ai vue, Simon Glover ! Will Dwining dit que je l’ai vue ? — Non pas précisément… Mais il dit que vous lui avez dit avoir rencontré le forgeron en pareille compagnie. — Il ment, et je le pilerai dans son mortier ! s’écria Olivier Proudfute. — Comment ! ne lui avez-vous donc jamais parlé d’une telle rencontre ? — Le diable m’enlève si je lui en ai parlé ! répliqua le bonnetier ; ne m’a-t-il pas juré qu’il ne répéterait point à âme qui vive ce que je lui ai communiqué ? Ainsi en vous contant l’aventure, il a commis un mensonge. — Tu n’as donc pas rencontré le forgeron, dit Simon, avec une chanteuse, comme le bruit en court ? — Ventrebleu, que sais-je, moi ! Peut-être oui, peut-être non. Songez-y, père Simon… Me voilà marié depuis quatre ans, pouvez-vous attendre de moi que je me rappelle la tournure de la cheville d’une chanteuse, la façon de ses souliers, la broderie de ses cotillons, et d’autres babioles pareilles ? Non, je laisse ce soin aux drôles sans femmes comme mon compère Henri. — Enfin donc, » dit le gantier en colère, « vous l’avez rencontré le jour de la Saint-Valentin, battant le pavé des places publiques… — Non pas, voisin ; je l’ai rencontré dans la ruelle la moins fréquentée et la plus sombre de Perth, galopant vers sa maison avec sacs et bagages, qu’en galant homme il tenait sur ses bras, avec le petit chien d’un côté, et la jeune fille, qui m’a semblé charmante… pendue de l’autre. — Oh ! par saint Jean ! s’écria Simon Glover, cette infamie ferait renoncer un chrétien à la croyance, et adorer Mahomet de colère ! Mais il a vu ma fille pour la dernière fois. J’aimerais mieux qu’elle allât rejoindre son moine à jambes nues, pour vivre parmi les sauvages montagnards, que de lui voir pour époux un homme qui en un pareil jour oublie si complètement l’honneur et la décence… Que le diable l’emporte ! — Bah ! bah ! père Simon, dit l’accommodant bonnetier, vous ne considérez pas la nature du jeune sang. Mais ils ne sont pas long-temps demeurés ensemble car (je l’ai un peu guetté, à vrai dire) je l’ai rencontré, avant le lever du soleil, conduisant la demoiselle errante aux escaliers de Notre-Dame, pour qu’elle s’embarquât sur le Tay et s’éloignât de Perth, et je sais d’une manière certaine… car j’ai pris des in-