Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quand la mort viendra me surprendre,
Et me montrera mon tombeau,
Avec mon chien j’y veux descendre,
Enveloppé dans un tonneau
Dont l’ale échauffe mon cerveau.
Les bras croisés, que je sommeille.
Et près de moi que mon chien veille !

— Ne pouvez-vous être sérieux un moment, voisin Proudfute ? dit le gantier ; j’ai un mot à vous dire. — Sérieux ! répéta le visiteur. Ma foi, j’ai été sérieux toute la journée… Je puis à peine ouvrir la bouche sans que mes discours roulent sur la mort, les enterrements, etc. les sujets les plus sérieux que je connaisse. — Par saint Jean ! l’ami, êtes-vous fey[1] ? — Pas le moins du monde… Ce n’est pas ma propre mort qu’annoncent ces sombres caprices d’imagination… J’ai un excellent horoscope, et j’ai encore cinquante ans à vivre ; mais c’est le cas de ce pauvre diable… l’homme de la suite de Douglas que j’ai terrassé dans la bataille de Saint-Valentin… il est mort la nuit dernière… Voilà ce qui me pèse sur la conscience et réveille en moi ces sinistres pensées. Ah ! père Simon, nous autres guerriers, qui avons versé le sang dans notre colère, nous avons de noires idées parfois… De temps à autre, je souhaiterais que mon couteau n’eût jamais coupé que des écheveaux de fil. — Et je souhaiterais, dit Simon, que le mien n’eût jamais coupé que de la peau de daim, car il m’a quelquefois coupé les doigts. Mais en cette occasion, tu peux te dispenser de remords ; il n’y eut qu’un homme dangereusement blessé dans le combat, celui dont Henri avait abattu la main, et il se porte à merveille. Il se nomme Black Quentin, un des gens de sir Ramorny. On l’a renvoyé en secret à son comté de Fife. — Comment, Black Quentin ? mais c’est précisément l’homme que Henri et moi, car nous ne nous quittons pas, nous avons frappé en même temps ; seulement, mon coup est arrivé un peu trop tard. Je crains que nouvelle dispute ne s’ensuive, et le prévôt le craint aussi… Et il se porte à merveille ? Eh bien ! vive la joie ! Et puisque tu ne veux pas me laisser voir comment la camisole de nuit sied à Catherine, je retourne au Griffon, rejoindre mes danseurs mauresques. — Voyons ; reste un moment. Tu es camarade d’Henri du Wynd, et tu lui as rendu le service de prendre sur ton compte deux ou trois de ses actions, la main coupée entre autres ; je voudrais que tu pusses le décharger des autres accusa-

  1. Les Écossais appellent être fey, avoir une espèce de vertige moral qu’ils supposent précéder la mort, et surtout la mort violente.