Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/180

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rien voir qu’indistinctement. — Vous vous hâtez trop de parler, ma fille, et vous allez l’avouer vous-même. L’avenir que je vais ouvrir devant vous ne pourrait être présenté sans danger aux yeux d’une femme moins ferme dans la vertu ou d’un caractère plus ambitieux. Peut-être est-il mal à moi de le découvrir, même à vous ; mais j’ai pleine confiance en votre sagesse et en vos principes. Sachez donc qu’il est fort probable que l’Église de Rome cassera une union qu’elle a formée elle-même, et qu’elle affranchira le duc de Rothsay de son mariage avec Majory Douglas. »

Ici le moine s’arrêta.

« Et si l’Église a la volonté et le pouvoir d’en agir ainsi, demanda la jeune fille, quelle influence la rupture du mariage du duc peut-elle produire sur la destinée de Catherine Glover ? »

Elle regarda le religieux d’un air inquiet en parlant ainsi ; et il eut apparemment quelque peine à trouver une réponse, car il baissa les yeux vers la terre tout en lui répondant :

« Que fit la beauté pour Catherine Logie ? Si nous devons en croire nos pères, elle la conduisit à partager le trône de David Bruce. — Vécut-elle heureuse ? mourut-elle regrettée ? bon père, » demanda Catherine du même ton calme et ferme.

« Elle forma cette alliance par une ambition temporelle, et criminelle peut-être, répliqua père Clément, et trouva la récompense de sa vanité dans les tourments d’esprit. Mais si elle se fût mariée avec la persuasion que l’épouse qui croit doit convertir l’époux incrédule, ou affermir l’époux qui doute, quelle eût été alors sa récompense ! Amour et honneur sur la terre ; et après, place au ciel avec la reine Marguerite et ces héroïnes qui furent les mères nourricières de l’Église. »

Jusqu’à ce moment Catherine était restée assise sur une pierre aux pieds du religieux, et le regardait sans cesse pendant qu’elle parlait ou écoutait ; mais alors, comme animée par un sentiment de désapprobation calme mais inébranlable, elle se leva, et étendant la main vers le moine, elle lui parla d’un air et d’une voix qui eussent convenu à un chérubin plaignant et ménageant la faiblesse d’un mortel dont il vient redresser les erreurs.

« Est-il bien vrai ! dit-elle, se peut-il que les souhaits, les espérances, les préjugés de ce monde affectent autant celui qui peut, demain, être appelé à donner sa vie pour arrêter la corruption d’un siècle pervers et les progrès de l’apostasie ? Se peut-il que père Clément, si sévèrement vertueux, conseille à son enfant de