Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Certainement on trouverait encore de ces religieux dans les saints édifices que nous apercevons, mais il est à craindre que le zèle du grand nombre ne soit refroidi. Nos ecclésiastiques sont devenus riches, aussi bien par les dons de pieuses personnes, que par les présents faits par de grands coupables qui s’imaginaient, dans leur ignorance, qu’on pouvait acheter, par la fondation de monastères, le pardon que le ciel n’accorde qu’à de sincères pénitents. À mesure que l’Église s’enrichissait, ses maximes devenaient malheureusement plus obscures, comme une lumière qui brille moins, placée dans une lampe d’or, que sous un globe de verre. Dieu sait que si j’aperçois et remarque cette corruption, ce n’est point par le désir de me singulariser, ni pour devenir un docteur dans Israël ; mais c’est que le feu brûle dans mon sein et ne me permet pas de garder le silence. J’obéis aux règles de mon ordre, et me soumets à toutes ses austérités. Qu’elles soient essentielles à notre salut, ou de pures formalités adoptées pour suppléer au manque de repentir réel et de sincère dévotion, j’ai promis, j’ai juré même de les observer : et elles seront respectées par moi, d’autant plus volontiers qu’autrement on pourrait m’accuser de songer au bien-être corporel, quand le ciel connaît combien je ferais peu de cas de ce qu’il me faudrait faire ou souffrir, si la pureté de l’Église était restaurée, et la discipline sacerdotale rétablie dans sa primitive simplicité. — Mais, mon père, dit Catherine, pour ces opinions même, on vous appelle un Lollard, un Wickleffite[1] ; on dit que votre désir est de détruire les églises et les cloîtres, et de restaurer le paganisme. — Aussi, ma fille suis-je obligé de chercher asile au milieu des montagnes et des rochers, et dois-je pour le présent diriger ma fuite parmi les montagnards grossiers qui sont encore dans un état plus agréable à Dieu que ceux que je laisse derrière moi ; car leurs crimes viennent de l’ignorance, non de la présomption. Je ne manquerai pas de prendre, pour me soustraire à leur cruauté, tels moyens que m’offrira le ciel ; car tant que ces moyens se présenteront, j’en conclurai que j’ai encore un devoir à remplir. Mais quand mon maître daignera m’appeler, il sait avec quelle soumission Clément Blair quittera cette vie mortelle, avec l’humble espoir de vivre là-haut. Mais pourquoi regarder vers le nord avec tant d’inquiétude, mon

  1. Lollard, adversaire des papistes, périt en Allemagne sur un bûcher, vers l’an 1400 de notre ère. Wickleff ou Wicleff, prêchait dans le même temps pour la réforme religieuse en Angleterre. a. m.