Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/116

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au chagrin d’un monarque dont la tendresse de cœur allait si mal avec l’état et les mœurs de son peuple.

« Et qu’avez-vous fait des fugitifs ? » demanda Robert après un moment de réflexion.

« Certainement, sire, dit le prieur, on les a congédiés, comme ils le désiraient, avant le lever du jour ; et après que nous eûmes envoyé reconnaître si aucune embuscade d’ennemis ne les attendait dans le voisinage, ils se retirèrent en paix. — Ne savez-vous pas, poursuivit le roi, quels étaient ces hommes, et pourquoi ils sont venus se réfugier chez nous ? — Ils sont venus à propos d’une querelle avec les bourgeois ; mais pourquoi cette querelle, nous n’en savons rien. La règle de notre maison est d’accorder un asile de vingt-quatre heures, sans adresser la moindre question aux pauvres malheureux qui le réclament. S’ils désirent rester plus long-temps, il faut que le motif qui les force à demeurer dans le sanctuaire soit écrit sur le registre du couvent. Et que notre saint patron soit loué ! bon nombre de gens ont échappé à la rigueur de la loi, grâce à cette protection temporaire, au lieu que, si nous avions connu le genre de leurs crimes, nous aurions pu nous croire forcés de les livrer à leurs persécuteurs. »

Pendant que le prieur parlait, une idée confuse vint au monarque, que le privilège du sanctuaire devait apporter un grand obstacle au cours de la justice dans son royaume. Mais il repoussa cette pensée, comme si c’eût été une supposition de Satan, et il eut grand soin que pas un mot ne trahît devant l’ecclésiastique qu’il avait éprouvé un sentiment si profane ; c’est pourquoi il se hâta de changer de sujet.

« Le soleil, dit-il, marche lentement sur le cadran. Après le triste événement que vous venez de m’apprendre, je m’étonne que les lords de mon conseil ne soient pas déjà venus pour examiner les tristes circonstances de cette malheureuse querelle. Ce fut une mauvaise fortune qui me donna un peuple à gouverner, au milieu duquel il me semble que je suis le seul homme qui désire le repos et la tranquillité ? — L’Église désire toujours le repos et la tranquillité, » ajouta le prieur, ne laissant pas même une proposition si générale échapper à l’esprit abattu du pauvre roi, sans insister sur une restriction qui sauvât l’honneur de l’Église.

« C’est ce que nous voulions dire, répliqua Robert. Néanmoins, père prieur, vous m’accorderez que l’Église, quand elle apaise les querelles, comme sans doute c’est son intention, ressemble à