Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/109

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membre de sa famille, tantôt sur un autre, leur conférant quelquefois le titre même et toujours le pouvoir de lieutenant général du royaume. Son affection paternelle l’avait disposé à réclamer l’assistance de son fils aîné, jeune homme de courage et de talent, que dans sa tendresse il avait créé duc de Rothsay, afin de lui donner de son vivant la possession d’une dignité à peu près égale à celle du trône. Mais la tête du jeune prince était trop étourdie et sa main trop faible pour manier le sceptre avec dignité : quoique passionné pour la puissance, le plaisir était la passion favorite du prince ; et la cour était troublée, le pays scandalisé par le nombre des amours fugitives et des aventures galantes qu’on pouvait reprocher à celui qui aurait dû donner l’exemple de l’ordre et de la régularité à la jeunesse du royaume.

La conduite licencieuse du duc de Rothsay était d’autant plus répréhensible aux yeux du public, qu’il était marié ; quoique certaines personnes dont la jeunesse, la grâce, la gaieté et le bon naturel de ce prince avaient gagné les cœurs, fussent d’opinion qu’on pouvait trouver une excuse de son libertinage dans les circonstances de son mariage même. On se souvenait fort bien que ce mariage avait été tout à fait traité par son oncle, le duc d’Albany, qui gouvernait alors le roi infirme et timide, et qui avait la réputation d’influencer les dispositions de son frère et son souverain, de manière à compromettre fortement les intérêts et les espérances du jeune héritier. Par les machinations d’Albany, la main de l’héritier présomptif de la couronne fut presque mise à l’encan, car tout le monde sut que le noble Écossais qui donnerait la plus belle dot à sa fille pouvait aspirer à l’élever jusqu’à la couche du duc de Rothsay.

Dans la lutte qui s’ensuivit, George, comte de Dunbar et de March, qui possédait par lui-même ou par ses vassaux une grande partie de la frontière de l’est, fut préféré aux autres compétiteurs, et sa fille, à la satisfaction mutuelle du jeune couple, fut fiancée au duc de Rothsay.

Mais il restait une troisième personne à consulter, et qui n’était autre que le terrible Archibald, comte de Douglas, redoutable par l’étendue de ses propriétés, par les charges et les juridictions dont il était investi, et par ses qualités personnelles de sagesse et de valeur b qualités qui se trouvaient, chez lui, réunies à un orgueil indomptable et à un amour de vengeance plus que féodal.