Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 23, 1838.djvu/102

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de la suite de quelque lord des Marches, et qui porte un éperon ailé sur l’épaule, a échappé à notre voisin comme le feu sort du caillou. »

Le doyen des baillis de Perth entendit avec quelque surprise la légende qu’il avait plu à Gow de jeter en circulation ; car, sans s’y intéresser beaucoup, il avait toujours douté de l’authenticité des exploits romanesques du bonnetier. Il était tenu désormais à les trouver orthodoxes jusqu’à un certain point. Le vieux et rusé Glover vit plus avant dans l’affaire.

« Vous ferez perdre la tête au pauvre bonnetier, murmura-t-il à Henri ; il va faire retentir son marteau comme une cloche de ville en un jour de réjouissance, quand, pour l’ordre et la décence, il ferait mieux de se tenir tranquille. — Par Notre-Dame, père ! répliqua l’armurier, j’aime ce pauvre petit rodomont, et je n’ai pu me résoudre à penser qu’il lui faudrait être triste, silencieux dans la salle du prévôt, tandis que tous les autres, et surtout ce vénéneux apothicaire, diraient leur avis. — Tu es un gaillard à trop bon cœur, Henri, répliqua Simon… Mais vois quelle différence entre ces deux hommes : le petit bonnetier, l’innocence même, prend des airs de dragon, pour déguiser sa poltronnerie naturelle ; tandis que l’apothicaire cherche à paraître timide, pauvre d’esprit, humble, pour dissimuler le danger de son caractère : la vipère qui se cache sous une pierre n’en possède pas moins un venin mortel. Je t’assure, fils Henri, que malgré tous ces humbles regards et cette démarche timorée, ce misérable squelette aime plus à faire le mal qu’il ne craint le danger… Enfin nous voici devant le château du prévôt ; c’est une vraie demeure de lord que Kinfauns, et c’est un avantage pour la ville d’avoir le propriétaire d’un si joli château pour son principal magistrat. — Une belle forteresse, ma foi, » dit le forgeron regardant le large Tay qui venait en serpentant passer au bas de l’éminence où était bâti le château à cette époque, dans la même situation que son successeur moderne ; cette éminence semblait la reine de la vallée, quoique du côté opposé de la rivière les fortes murailles d’Elcho apparussent pour disputer la prééminence. Elcho était alors un paisible couvent, et les murs dont il était environné formaient des barrières pour des vestales recluses, et non des remparts pour une garnison armée. « C’est un magnifique château, » dit l’armurier regardant encore les tours de Kinfauns ; « c’est la cuirasse et la targe du Tay. On