Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/80

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Le marchand lut donc la lettre suivante :

« Mon frère, je vous remercie des soins que vous avez pris de ma fille, car elle s’est trouvée, grâce à vous, en sûreté lorsqu’elle n’aurait été qu’en péril, et traitée avec bienveillance lorsqu’elle aurait pu ne l’être ici que désagréablement. Je vous prie maintenant de me la restituer, et j’espère qu’elle me reviendra avec les vertus qui conviennent à une femme dans toute situation, et que je la trouverai surtout disposée à quitter les habitudes d’une villageoise suisse, pour les nobles manières d’une fille bien née… Adieu. Je vous remercie encore une fois de vos bons soins, et je m’en montrerais reconnaissant si c’était en mon pouvoir ; mais vous n’avez besoin de rien que je puisse vous donner, vous qui avez renoncé au rang que vous destinait votre naissance, et fait votre nid sur la terre, de sorte que la tempête passe inoffensive au dessus de vous… Je suis toujours votre frère. »

« Geierstein. »

« L’adresse porte : « Au comte Arnold de Geierstein, appelé Arnold Biederman. » Un postscriptum vous prie d’envoyer la jeune fille à la cour du duc de Bourgogne… Ce langage, mon cher monsieur, me paraît être celui d’un homme superbe, partagé entre le souvenir d’une offense ancienne et l’obligation d’un service récent. Les paroles de son envoyé étaient celles d’un méchant vassal, désirant donner cours à son propre ressentiment sous prétexte de remplir une commission de son seigneur. — C’est aussi ce qu’il m’a semblé. — Et votre intention est-elle d’abandonner cette belle et intéressante créature à l’autorité de son père, tout capricieux qu’il paraisse, sans savoir quelle est sa position actuelle, ni quel pouvoir il a de la protéger ? »

Le landamman se hâta de répliquer : « Le lien qui unit le père à l’enfant est le premier et le plus saint de tous ceux qui unissent la race humaine. La difficulté que je trouve à ce qu’elle fasse le voyage en sûreté m’a empêché jusqu’à ce jour de mettre les instructions de mon frère à exécution. Mais comme je vais probablement me rendre en personne et sous peu à la cour de Charles, j’ai décidé qu’Anne m’accompagnera ; et comme je veux causer avec mon frère, que je n’ai pas vu depuis plusieurs années, je connaîtrai quels sont ses projets à l’égard de sa fille, et peut-être obtiendrai-je d’Albert qu’il la laisse confiée à mes soins… Maintenant, monsieur, que je vous ai conté mes affaires de famille un peu plus