Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/77

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triste bataille de Mont-Herzel, et à cet autre carnage de la chapelle Saint-Jacob, qui forcèrent nos frères de Zurich à traiter, et réduisirent une nouvelle fois l’Autriche à la nécessité de conclure la paix avec nous. Après cette guerre de trente ans, la diète porta une sentence de bannissement à vie contre mon frère Albert, et l’aurait dépouillé de toutes ses possessions ; mais elle s’en abstint par considération de ce qu’on appela mes services. Lorsque la sentence fut signifiée au comte de Geierstein, il répliqua par un défi ; pourtant, une singulière circonstance nous montra, long-temps après, qu’il conservait un vif attachement à son pays, et, malgré sa haine contre moi son frère, il rendit justice à mon inaltérable affection pour lui. — Je parierais que ce qui va suivre se rapporte à cette jolie demoiselle, votre nièce. — Vous ne vous trompez pas. D’abord nous apprîmes, quoique vaguement, car nous n’avons, comme vous savez, que peu de communications avec les contrées étrangères, qu’il jouissait d’une haute faveur à la cour de l’empereur ; mais depuis nous avons su que, devenant suspect à son maître, il avait été, par suite d’une de ces révolutions si fréquentes dans les cours des princes, envoyé en exil. Ce fut peu de temps après avoir reçu ces nouvelles, et il y a, je crois, plus de sept ans de cette circonstance, que, revenant un jour de chasser sur l’autre rive du torrent, et après avoir traversé le pont étroit, comme de coutume, je m’avançais à travers les cours que nous venons de quitter, car alors nous y passions pour abréger notre chemin, quand j’entendis une voix me dire en allemand : « Mon oncle, ayez pitié de moi ! » Je regardai autour de moi, et j’aperçus une jeune fille de dix ans, sortie de derrière les ruines, se diriger vers moi, et se jeter à mes pieds. « Mon oncle, me dit-elle, épargnez ma vie, » et elle levait ses petites mains d’un air suppliant, tandis qu’une terreur mortelle était peinte sur sa figure. Suis-je donc votre oncle ? ma petite fille, répliquai-je, et si je le suis, pourquoi auriez-vous peur de moi… ? « Parce que vous êtes le chef des misérables et infâmes paysans qui se complaisent à verser le sang des nobles, » répondit-elle avec un courage qui me surprit. « Quel est votre nom ? ma belle enfant, lui demandai-je, et qui a pu, après vous avoir donné une opinion si défavorable de votre parent, vous amener en ces lieux, pour vous faire voir s’il ressemble au portrait qu’on vous en a tracé ? — C’est Ital Schreckenwald qui m’a amenée ici, » répliqua-t-elle, ne comprenant qu’à moitié le sens de ma question. Ital Schreckenwald ? répétai-je, choqué d’entendre le