Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/76

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qui s’étendait son influence à seconder ses efforts. Il ne réussit que trop bien auprès de mon frère ; car non seulement Albert prit les armes pour la cause de l’empereur, mais encore admit dans la citadelle de Geierstein une bande de soldats autrichiens, avec qui l’infâme Ital Schreckenwald ravagea toute la contrée, sauf mon petit patrimoine. — Vous fûtes alors dans une situation embarrassante, mon digne hôte, puisqu’il fallut vous décider contre la cause de votre pays ou contre celle de votre frère… — Je n’hésitai pas. Mon frère se trouvait à l’armée de l’empereur, je ne fus donc pas réduit à agir contre lui personnellement ; mais je déclarai la guerre aux voleurs et aux brigands dont Schreckenwald avait rempli la maison de mon père. La fortune ne fut pas toujours favorable. Le sénéchal, durant mon absence, brûla ma maison, et assassina mon plus jeune fils, qui mourut, hélas ! en défendant le foyer de son père. Il est inutile d’ajouter que mes terres furent ravagées, mes troupeaux détruits. D’un autre côté, je réussis, avec le secours d’un corps de paysans d’Unterwalden, à prendre d’assaut le château de Geierstein. Il me fut offert en compensation de mes pertes par les confédérés, mais je désirais ne pas souiller la belle cause pour laquelle j’avais pris les armes, en m’enrichissant aux dépens de mon frère : et d’ailleurs, demeurer dans cette place forte, c’eût été une pénitence pour moi, dont la maison n’avait été depuis long-temps protégée que par un loquet et un chien de berger. Ce château fut donc démantelé, comme vous voyez, par ordre des anciens du canton ; et je crois même que, vu les usages auxquels il n’a que trop souvent servi, je contemple avec plus de plaisir les restes misérables de Geierstein, que je ne l’ai jamais contemplé lorsqu’il était superbe et en apparence imprenable. — Je puis comprendre vos nobles sentiments ; et néanmoins, je vous le répète, ma vertu ne se serait peut-être pas étendue si loin au delà du cercle des affections de famille… Que dit votre frère de vos prouesses patriotiques ? — Il fut, à ce que j’appris, terriblement irrité, sans doute parce qu’on lui persuada que j’avais pris son château dans des vues d’agrandissement personnel. Il jura même qu’il renonçait à toute parenté avec moi, qu’il me chercherait au milieu de la mêlée, et qu’il me tuerait de sa propre main. Nous assistâmes en effet tous deux à la bataille de Fregenbach ; mais mon frère ne put même tenter l’exécution de ses projets de vengeance, car il fut blessé par une flèche, et sa blessure nécessita qu’il fût transporté hors du combat. Je me trouvai ensuite à la sanglante et