Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/480

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les yeux fixés sur la route qu’ils venaient de parcourir, s’écria : « À cheval, milord ! ce n’est pas l’instant de pleurer les morts, à peine avons-nous le temps de sauver les vivants… les Suisses sont sur nous. — Fuis toi-même, mon brave soldat, dit le comte ; et toi, Arthur, prends aussi la fuite, et sauve ta jeunesse pour de meilleurs jours. Je ne puis ni ne veux aller plus loin. Je vais me rendre à ceux qui me poursuivent ; s’ils me font grâce, tant mieux ; sinon il est là-haut un être qui me recevra dans son sein. — Je ne consentirai jamais à fuir et à vous laisser sans défense, dit Arthur ; je resterai et je partagerai votre destin. — Et moi je demeurerai aussi, ajouta Thibaut ; les Suisses font guerre loyale, lorsque leur sang n’a pas été trop échauffé par la résistance, et on ne leur en a pas beaucoup opposé aujourd’hui. »

Le détachement suisse qui arrivait se trouva être composé de Sigismond, de son frère Ernest, et de quelques autres jeunes gens d’Interwalden. Sigismond leur fit quartier avec beaucoup d’égards et de joie ; et ainsi, pour la troisième fois, rendit à Arthur un important service, en retour des preuves de tendresse qu’il lui avait souvent données.

« Je vais vous conduire à mon père, dit Sigismond, qui sera fort content de vous voir ; seulement vous le trouverez un peu chagrin, pour le moment, de la mort de mon frère Rudiger qui est tombé avec la bannière en main, tué par le seul coup de canon qui ait été tiré ce matin : les autres n’ont pu aboyer ; Campo-Basso a muselé les mâtins, autrement la plupart d’entre nous eussent été servis comme le pauvre Rudiger. Mais Colvin lui-même est tué. — Campo-Basso était-il donc d’intelligence avec vous ? dit Arthur. — Non, pas avec nous… nous méprisons de tels alliés… mais il y a eu quelques relations entre l’Italien et le duc Ferrand. Après avoir encloué les canons, et rendu les canonniers allemands ivres-morts, il s’est transporté à notre camp avec quinze cents chevaux, et s’est offert à combattre avec nous. Mais « non, non ! s’est écrié mon père, les traîtres ne sont jamais reçus dans une armée suisse ; » de façon que, tout en passant par la porte qu’il nous avait ouverte, nous n’avons pas voulu de sa compagnie. Il est donc allé avec le duc Ferrand, attaquer l’autre extrémité du camp, où il les a introduits, en les annonçant comme un corps de ses troupes qui revenait de faire une reconnaissance. — Oh ! alors, dit Arthur, jamais traître plus consommé n’a paru sur la terre, ni jeté ses filets avec plus d’adresse. — Vous dites vrai, répliqua le jeune Suisse. Le duc ce pourra ja-