Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/478

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compatriotes, avez-vous oublié Granson et Murten, et avez-vous peur d’un seul coup de canon ?… Berne… Uri… Schwitz… bannières en avant ! Unterwalden, voici votre étendard ! poussez vos cris de guerre, soufflez dans vos cornets ; Unterwalden, suivez votre landamman ? »

Ils se précipitèrent comme un océan furieux, avec un bruit aussi assourdissant, une course aussi impétueuse. Colvin, travaillant encore à recharger la pièce, fut terrassé pendant qu’il la chargeait ; Oxford et son fils furent foulés aux pieds par la multitude, dont les rangs extrêmement pressés empêchèrent qu’on ne dirigeât aucun coup fatal contre eux. Arthur se sauva en partie en se glissant sous le canon près duquel il était posté ; son père, moins heureux, sur le corps duquel marchèrent les ennemis, aurait été infailliblement écrasé sans son armure à l’épreuve. Cette multitude d’hommes, au nombre d’au moins quatre mille, s’élança vers le camp, continuant à pousser de terribles vociférations mêlées bientôt de mugissements, de plaintes aiguës et de cris d’alarmes.

Une large lueur rouge s’élevant devant les assaillants, et faisant pâlir la lumière incertaine d’une matinée d’hiver, rappela enfin Arthur au sentiment de sa position. Le camp était en feu derrière lui, et retentissait de tous les différents cris de victoire et de terreur qui sont entendus dans une ville prise d’assaut : se relevant aussitôt, il chercha autour de lui s’il voyait son père. Il gisait près de lui, privé de connaissance, comme les canonniers que leur ivresse avait empêchés de chercher à fuir. Ouvrant alors le casque de son père, il eut la joie de voir qu’il donnait encore des signes de vie.

« Les chevaux ! les chevaux ! dit Arthur. Thibaut, où es-tu ? — À vos ordres, mon maître, » dit le fidèle serviteur, qui s’était sauvé, lui et les animaux confiés à ses soins, par une prudente retraite dans un petit buisson que les assaillants avaient évité pour ne point troubler leurs rangs.

« Où est le brave Colvin ? dit le comte ; donnez-lui un cheval ; je ne l’abandonnerai pas ainsi en péril. — Les guerres sont finies, milord, répliqua Thibaut ; il ne montera plus jamais sur un cheval de bataille. »

Un regard et un soupir, à la vue de Colvin, le fouloir à la main, étendu sous la bouche de la pièce, la tête fendue par une hache d’arme suisse, fut tout ce que permettait le moment.

« Où allons-nous diriger notre course ? demanda Arthur à son père. — Il faut rejoindre le duc, répondit le comte d’Oxford ; ce