Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/477

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« C’est le mugissement lointain d’une avalanche, dit Arthur. — C’est une avalanche de Suisses, et non de neige, répliqua Colvin… Oh ! les maudits ivrognes !… Les canons sont chargés doublement, et bien pointés… Une volée les arrêterait infailliblement, fussent-ils des diables, et le bruit alarmerait le camp plus vite que nous ne pouvons le faire… Mais, oh ! les lâches ivrognes ! — Ne leur demandez pas leur aide, dit le comte ; mon fils et moi nous allons prendre chacun une mèche, et faire les canonniers pour cette fois. » Ils descendirent de cheval, et, recommandant à Thibaut et aux valets de veiller sur leurs chevaux, le comte d’Oxford et son fils prirent chacun une mèche dans les mains des Allemands incapables de se remuer, dont trois seulement conservaient assez de force pour se tenir à côté de leurs canons.

« Bravo ! s’écria l’intrépide commandant d’artillerie ; il n’y eut jamais batterie plus noble. Maintenant, camarades… pardon, messieurs, ce n’est pas l’instant des cérémonies… Et vous, coquins d’ivrognes, songez qu’il ne faut pas faire feu avant que j’en donne l’ordre, et, fussent les côtes de ces beaux marcheurs aussi dures que leurs montagnes de rochers, ils apprendront comment le vieux Colvin charge ses canons. »

Ils se tinrent presque sans respirer chacun à leur pièce. Le terrible bruit approchait toujours de plus en plus, jusqu’à ce que le jour, encore imparfait, montrât une colonne d’hommes, noire et longue, mais forte, armés de hautes piques, de haches et d’autres armes, au milieu desquels flottaient obscurément des bannières. Colvin les laissa approcher à la distance d’environ quarante pas, puis donna le signal du feu. Mais sa pièce seule partit ; une faible flamme sortit de la lumière des autres qui avaient été enclouées par les déserteurs italiens, et laissées réellement incapables de servir, quoique propres en apparence au service. Si elles avaient été toutes dans le même état que celle tirée par Colvin, elles auraient probablement vérifié la prophétie : car même cette unique décharge produisit un terrible effet, et fit une longue tracée de morts et de blessés à travers la colonne suisse, dont la première et principale bannière fut renversée.

« Ne bougez pas encore, dit Colvin, et aidez-moi, s’il est possible, à recharger ma pièce. »

Mais on ne lui en laissa point le temps. Un homme à taille colossale, qu’on distinguait sur le front de la colonne ébranlée, releva la bannière tombée, et, d’une voix de géant, s’écria : « Quoi !