Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/459

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de sa personne étaient d’avis qu’il ne déployait plus cette fermeté d’âme ni cette énergie de jugement qu’on avait admirées en lui avant ses malheurs. Il était encore sujet à des accès de mélancolie fantasque, semblables à ceux qui s’emparaient de Saül, et il entrait dans une rage épouvantable lorsqu’on essayait de l’en tirer. Le comte d’Oxford lui-même semblait avoir perdu l’influence qu’il avait d’abord exercée sur lui. Bien plus, quoique en général Charles lui témoignât toujours de la reconnaissance et de l’affection, il se sentait évidemment humilié par le souvenir du spectacle qu’il avait donné à l’Anglais de son état d’impuissance et d’accablement ; et il craignait si fort que le comte ne fût supposé diriger ses desseins, qu’il repoussait son avis simplement, à ce qu’il semblait, pour montrer sa propre indépendance d’esprit.

Campo-Basso encourageait encore le duc dans ces humeurs chagrines. Ce traître rusé voyait alors la puissance de son maître incliner vers sa ruine, et il résolut de mettre la main à l’œuvre pour se créer un titre à partager les dépouilles. Il regardait Oxford comme un des meilleurs amis et des conseillers les plus capables qui entouraient le duc ; il croyait lire dans ses regards que le comte avait deviné son projet de trahison, et en conséquence il le haïssait et le redoutait. En outre, pour colorer peut-être à ses propres yeux l’abominable perfidie qu’il méditait, il affecta d’être excessivement courroucé contre le duc à cause des châtiments qu’il avait naguère infligés aux maraudeurs appartenant à ses bandes italiennes ; il pensait qu’on n’avait eu recours à cette sévérité que d’après les conseils d’Oxford ; et il soupçonnait que la mesure avait été par lui appuyée dans l’espérance qu’on découvrirait que les Italiens n’avaient pas pillé pour leur propre compte seulement, mais encore pour celui de leur chef. Persuadé qu’Oxford lui était ainsi hostile, Campo-Basso aurait promptement trouvé moyen de s’en débarrasser, si le comte n’eût pas jugé prudent de prendre quelques précautions ; et les seigneurs de Flandre et de Bourgogne, qui le chérissaient par les mêmes raisons qui le faisaient haïr de l’Italien, veillaient à sa sûreté avec un soin qu’il ignorait lui-même, mais qui certainement parvint seul à lui conserver la vie.

On ne devait pas supposer que Ferrand de Lorraine ne chercherait pas à profiter enfin de sa victoire ; mais les Suisses confédérés, qui composaient en grande partie sa force, insistaient pour que les premières opérations eussent lieu en Savoie et dans le pays de Vaud, où les Bourguignons avaient de nombreuses garnisons qui, bien