Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/456

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je ne puis honorer celui qui se déshonore en succombant comme un pauvre enfant sous les coups de la mauvaise fortune. — Et qui suis-je donc pour qu’on me traite ainsi ? » s’écria Charles en reprenant soudain son orgueil et toute sa férocité naturelle ; « ou qu’êtes-vous autre chose qu’un misérable exilé, pour venir de la sorte interrompre ma solitude et me parler sur un ton si insultant ? — Quant à moi, répliqua Oxford, je suis, comme vous dites un misérable exilé ; et je ne suis pas honteux de ma condition, puisque c’est mon inébranlable fidélité à mon souverain et à ses successeurs qui m’y a placé. Mais quant à vous, puis-je reconnaître le duc de Bourgogne dans un farouche ermite, dont la garde n’est qu’une soldatesque désordonnée, redoutable seulement à vos amis, dont les conseils sont en proie à la confusion, privés du souverain qui se cache lui-même, comme un loup blessé au fond de sa tanière, dans un obscur château, n’attendant qu’un son de cornet suisse pour en ouvrir les portes que personne ne peut défendre ; qui n’a pas même une épée pour protéger sa personne, et qui ne peut même mourir comme un cerf aux abois, mais veut être lassé comme un renard à qui on donne la chasse. — Mort et enfer ! le calomniateur ! le traître ! » cria le duc d’une voix de tonnerre en regardant à son côté et en s’apercevant qu’il n’avait pas d’arme… « il est heureux pour toi que je n’aie pas d’épée, sinon tu n’aurais jamais pu te vanter que ton insolence eût été impunie… Contay, avancez comme un bon chevalier, et confondez ce calomniateur : dites, mes soldats ne sont-ils pas équipés, disciplinés, en bon ordre ? — Monseigneur, » répliqua Contay tremblant, tout brave qu’il était au milieu d’une bataille, à la vue de la rage frénétique qui transportait Charles ; « vous avez encore une nombreuse armée sous vos ordres, mais leur conduite est répréhensible, et la discipline moins bien observée, je pense, que d’habitude… — Je le vois… je le vois, dit le duc, vous êtes tous des fainéants et de mauvais conseillers. Écoutez-moi, sir Contay, à quoi êtes-vous donc bons, vous et les autres qui tenez de nous des terres si vastes et des fiefs si considérables, pour que je ne puisse étendre mon corps malade sur un lit, lorsque mon cœur est à demi-brisé, sans qu’il faille que mes troupes tombent dans un scandaleux désordre et m’exposent au mépris et au reproche de chaque mendiant étranger. — Monseigneur, » répliqua Contay plus fermement, « nous avons fait ce que nous avons pu ; mais Votre Altesse a accoutumé ses généraux mercenaires et les chefs de ses compagnies franches à ne recevoir d’ordres que de