Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/453

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pline ordinairement observée dans le camp de Charles-le-Téméraire. Que le duc y fût en personne, c’était pourtant une chose démontrée par sa large bannière qui, ornée de toutes ses armoiries, flottait au donjon du château. La garde sortit pour recevoir les étrangers, mais d’une manière si négligente que le comte regarda Colvin pour lui en demander l’explication : le général d’artillerie haussa les épaules et garda le silence.

Colvin fit donner avis de son arrivée et de celle du comte anglais ; alors M. de Contay les fit entrer aussitôt et témoigna beaucoup de joie de leur venue.

« Quelques uns d’entre nous, dit-il, loyaux serviteurs du duc, tiennent ici conseil, et vos avis, mon noble seigneur d’Oxford, nous seront de la plus haute importance. Messieurs de la Croye, de Craon, de Rubempré, et d’autres nobles de Bourgogne, sont maintenant assemblés pour aviser à la défense du pays dans cet instant critique. »

Ils exprimèrent tous leur satisfaction de voir le comte d’Oxford, et alléguèrent, pour s’excuser de n’être pas venus lui présenter leurs hommages, lorsqu’il se trouvait encore au camp du duc, qu’ils avaient appris que son désir était de garder l’incognito.

« Son Altesse, dit M. de Craon, a demandé deux fois après vous, et les deux fois elle vous a désigné par votre nom supposé de Philipson. — Je ne m’en étonne pas, monsieur de Craon, répliqua le noble Anglais ; ce nom a commencé à m’être donné lorsque autrefois, durant mon exil, je vins à la cour de votre prince. On disait alors que nous autres, pauvres lancastriens, nous devions prendre d’autres noms que les nôtres, et le bon duc Philippe ajouta que, comme j’étais frère d’armes de son fils Charles, je devais porter le sien et me nommer Philipson[1]. En mémoire de ce bon souverain, j’ai pris ce nom lorsque le jour du besoin est en effet arrivé, et je vois que le duc pense à notre ancienne intimité, puisqu’il me désigne ainsi… Comment se porte Son Altesse ?

Les Bourguignons se regardèrent les uns les autres, et il y eut une pause.

« Absolument comme un homme étourdi, brave Oxford, » répliqua enfin de Contay. « Sir d’Argenton, c’est vous qui êtes le plus en état d’apprendre au noble comte dans quelle position se trouve notre souverain. — Il ressemble à un homme qui n’a plus l’usage de sa raison, — dit le futur historien de cette époque si bien rem-

  1. Son, en anglais, veut dire fils, et Philipson, fils de Philippe. a. m.