Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/44

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son costume permirent alors de voir qu’elle était une de ces filles des montagnes, familières avec leurs dangereux sentiers. Il vit qu’une belle jeune femme se tenait devant lui, et le regardait avec un mélange de pitié et d’étonnement.

« Étranger, » dit-elle enfin, « qui êtes-vous et d’où venez-vous ? — Je suis étranger, jeune fille, comme vous m’appelez très justement, » répondit le jeune homme en se soulevant aussi bien que possible. « J’ai quitté Lucerne ce matin avec mon père et un guide ; je les ai laissés à quatre cents pas d’ici environ. Seriez-vous assez complaisante, ma jolie demoiselle, pour les avertir que je suis sauvé, car mon père doit très certainement se désespérer sur mon compte. — Très volontiers ; mais je pense que mon oncle ou quelqu’un de mes parents doit les avoir déjà joints, et il leur servira de guide fidèle. Ne puis-je vous aider ?… êtes-vous blessé ?… avez-vous du mal ? Nous avons été tous alarmés par la chute d’un roc… oui, et le voilà en effet, c’est une masse d’une grosseur peu ordinaire. »

Tout en parlant ainsi, la jeune Suissesse s’approchait tellement du bord de l’abîme et regardait avec un tel air d’indifférence dans le gouffre, que la sympathie dont en pareille occasion l’acteur et le spectateur sont affectés l’un à l’égard de l’autre fit revenir l’éblouissement et le vertige dont Arthur venait d’être délivré, et il retomba dans sa première attitude penchée avec une espèce de faible gémissement.

« Vous êtes donc malade ? » lui demanda la jeune fille en le voyant pâlir… « où est le mal que vous ressentez, et quel est-il ? — Aucun, jolie demoiselle, sauf quelques contusions de peu d’importance ; mais la tête me tourne, et mon cœur se soulève quand je vous vois vous pencher si imprudemment sur le précipice. — Est-ce là tout ?… Sachez donc, étranger, que je ne me crois pas plus en sûreté assise au foyer de mon oncle que debout près des précipices, en comparaison desquels celui-ci n’est qu’un saut d’enfant. Vous-même, étranger, si, comme j’en juge d’après ces traces, vous avez pu passer le long de ce précipice dont le tremblement de terre a mis le bord à nu, vous devez pouvoir chasser un tel étourdissement, car vous méritez à coup sûr le titre de montagnard. — J’aurais pu porter ce nom depuis une demi-heure ; mais je crois que j’oserai à peine le reprendre désormais. — Ne perdez pas courage, répondit la douce conseillère, pour un éblouissement passager, pour un vertige qui parfois obscurcit l’esprit et trouble la vue des hommes les plus braves et les plus expérimentés. Levez-vous sur