Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/439

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de sa conversation, ainsi que de son mépris avoué pour les frivolités qui l’environnaient. D’ailleurs Ferrand était beau, jeune et victorieux, arrivant d’un champ de bataille où il avait glorieusement combattu, où il avait remporté la victoire contre toutes les chances pour être vaincu. Qu’il fût le favori de tout le monde, qu’il détournât d’Arthur Philipson, comme partisan de la reine impopulaire, toutes les attentions qu’il s’était attirées le soir précédent, ce fut seulement une conséquence naturelle de leur condition réciproque ; mais ce qui blessait un peu plus l’amour-propre d’Arthur, c’était de voir rejaillir sur son ami Sigismond le Simple, ainsi que l’appelaient ses frères, la gloire du duc Ferrand de Lorraine qui présentait à toutes les dames du bal le brave jeune Suisse, comme comte Sigismond de Geierstein. Ses soins avaient procuré à son aide-de-camp un costume plus convenable pour une pareille fête, que ne l’était l’habit rustique du comte, autrement dit Sigismond Biederman.

Toute nouveauté qui survient dans le monde plaît pour un certain temps, alors même qu’elle ne se recommande par aucun autre titre. Les Suisses étaient peu connus personnellement hors de leur pays, mais on parlait beaucoup d’eux ; c’était une recommandation que d’être de ce pays. Les manières de Sigismond étaient grossières ; c’était un mélange de gaucherie et de rudesse qu’on appela franchise pendant qu’il fut en faveur. Il parlait mal le français, plus mal l’italien… ce qui donnait un air de naïveté à tout ce qu’il disait. Ses membres étaient trop massifs pour être élégants ; sa danse, car le comte Sigismond ne manqua point de danser, ressemblait aux bondissements et aux gambades d’un jeune éléphant ; néanmoins on les préférait aux belles proportions et aux gracieux mouvements du jeune Anglais, et la comtesse aux yeux noirs, dans les bonnes grâces de qui Arthur s’était assez heureusement avancé le soir précédent, ne faisait pas exception. Arthur, ainsi jeté dans l’ombre, éprouva le même sentiment que M. Pepys, plus tard, lorsqu’il déchira son manteau de camelot… le dommage n’était pas grand, mais il le gênait.

Cependant la soirée ne se termina point sans que sa vengeance fût un peu satisfaite. Il y a des ouvrages dont dont les défauts n’apparaissent pas avant qu’ils soient gauchement placés sous un jour trop éclatant. Les Provençaux à l’esprit vif, quoique fantastique, découvrirent bientôt la lenteur de son intelligence et son