Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/436

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rencontré ? — Oui ! c’est lui que je veux dire ; mais il était habillé en carme. — En carme ! » dit Arthur, une lumière soudaine se présentant à son esprit ; « ai-je donc pu être assez aveugle pour recommander ses services à la reine ! Je me rappelle à présent qu’il tint son capuchon toujours abaissé sur sa figure… et moi, imbécile, tomber si grossièrement dans le piège ! Cependant peut-être vaut-il mieux que la transaction ait été interrompue ; car, j’en ai peur, si elle eût été tout-à-fait arrangée, nos desseins eussent été complètement déconcertés par cette étonnante défaite. »

Leur conversation en était venue là, lorsque Mordaunt vint prévenir Arthur de passer dans l’appartement de sa royale maîtresse. En ce gai palais, une chambre sombre dont les fenêtres donnaient sur une partie des ruines de l’édifice romain, mais ne laissaient apercevoir d’autres objets que des murailles brisées et des colonnes chancelantes, était la retraite que Marguerite s’était choisie. Elle reçut Albert avec une bonté d’autant plus touchante qu’elle venait d’un naturel fier et hautain… d’un cœur assailli par de nombreuses infortunes et qui les ressentait vivement.

« Hélas ! pauvre Arthur ! dit-elle, ta vie commence ainsi que celle de ton père menace de finir, par de vains efforts pour sauver un vaisseau qui s’enfonce ; les larges voies d’eau l’emplissent trop vite pour qu’aucune force humaine puisse le vider ou en alléger le poids. Tout… tout tourne à mal, quand notre malheureuse cause s’y trouve liée… La force devient faiblesse, la sagesse folie, et la valeur lâcheté. Le duc de Bourgogne, jusqu’à présent victorieux dans toutes ses hardies entreprises, n’a eu qu’à concevoir un instant l’idée de secourir Lancastre, pour voir son épée brisée par le fléau d’un paysan ; et son armée fameuse par la discipline, réputée la plus belle du monde, a fui comme la paille devant le souffle des vents, tandis que ses dépouilles sont partagées entre de mercenaires Allemands et de barbares bergers des Alpes ! Qu’as-tu à m’apprendre de nouveau sur cette étrange affaire ? — Peu de chose, madame, que vous ne sachiez déjà. Le mal, c’est que la bataille n’a été soutenue qu’avec une honteuse lâcheté, et complètement perdue, avec toutes les chances pour la gagner… Mais il est heureux que l’armée bourguignonne ait été plutôt dispersée que détruite, et que le duc lui-même ait échappé et qu’il rallié ses forces dans la haute Bourgogne. — Pour essuyer une nouvelle défaite, ou s’engager dans une lutte longue et incertaine, aussi fatale à sa réputation qu’une défaite même. Où est ton père ? — Avec le