Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/434

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prie ? — Voici : on prétend que vous et la reine Marguerite vous pressez ce vieux musicien de roi René de céder ses domaines à Charles, et de désavouer Ferrand dans sa réclamation de la Lorraine. Et le duc de Lorraine a envoyé un homme que vous connaissez bien… c’est-à-dire vous ne le connaissez pas, lui, mais vous connaissez quelqu’un de sa famille, et il vous connaît mieux que vous, lui… pour mettre un bâton dans vos roues, et vous empêcher de faire céder à Charles le comté de Provence, ou de troubler et de traverser Ferrand de Vaudemont dans ses justes prétentions sur la Lorraine. — Sur ma parole, Sigismond, je ne vous comprends pas. — Alors je suis bien infortuné : toute notre maison dit que je ne puis rien comprendre, et l’on va dire que je ne puis être compris de personne… Eh bien, pour parler clairement, je veux dire mon oncle, le comte Albert de Geierstein, comme il s’appelle, le frère de mon père. — Le père d’Anne de Geierstein ! — Oui, vraiment ; je pensais bien que nous trouverions quelques indices qui pourraient vous le faire reconnaître. — Mais je ne l’ai jamais vu. — Oui, vous le croyez ; mais… ! ah ! c’est un habile homme, et qui connaît les affaires des autres mieux qu’ils ne les connaissent eux-mêmes. Oh ! ce n’est pas pour rien qu’il a épousé la fille d’une Salamandre ! — Fi ! Sigismond ! comment pouvez-vous croire cette bêtise ? — Rudolphe m’a dit que vous aviez été aussi dérouté que moi, cette fameuse nuit que nous avons passée à Graff’s-Lust. — En ce cas, il a fallu que je fusse véritablement un âne. — Bien : mais cet oncle mien dont nous parlions a tiré de la bibliothèque d’Arnheim tous les vieux livres de magie qu’elle renfermait, et l’on prétend qu’il peut se transporter d’un lieu dans un autre avec une promptitude plus qu’humaine, et qu’il est aidé dans ses projets par des conseillers plus puissants que de simples mortels ; toujours est-il certain cependant que si habile, si favorisé qu’il soit, ses hautes qualités, qu’elles viennent d’une source légitime ou illégitime, ne lui procurent pas d’avantages durables ; il est éternellement plongé dans les querelles et les périls. — Je connais peu les détails de sa vie, » dit Arthur déguisant du mieux qu’il pouvait son désir d’en apprendre davantage sur le compte de cet homme ; « mais j’ai ouï dire qu’il avait quitté la Suisse pour se joindre à l’empereur. — C’est vrai, et il épousa la jeune baronne d’Arnheim… mais ensuite il encourut le déplaisir de mon royal homonyme, et non moins celui du duc d’Autriche. On dit qu’on ne peut demeurer à Rome et être en guerre avec le pape : mon oncle crut donc qu’il valait mieux passer le