Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/432

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selle n’était qu’en étain soigneusement éclairci. Il y avait des années de laquais galonnés, de valets, de pages, et autant de domestiques que de soldats ; de plus, je ne sais pourquoi, des milliers de jolies filles. Par la même raison, domestiques et filles se trouvaient à la disposition des vainqueurs ; mais je vous réponds que mon père se montrait rudement sévère à l’égard de quiconque voulait abuser des droits de la guerre. Mais quelques uns de nos jeunes gens lui obéissaient si mal qu’il était obligé pour les contraindre a l’obéissance de les frapper avec le bois de sa hallebarde. Ah ! Arthur, le beau village ! les Allemands et les Français qui étaient avec nous ne se refusaient rien, et quelques uns des nôtres suivaient leur exemple… L’exemple tente si vite ! J’entrai, moi, dans le pavillon même de Charles où Rudolphe et plusieurs de ses gens tâchaient d’empêcher les autres de pénétrer, pour piller lui-même à son aise, je pense. Mais ni lui ni aucun de ses Bernois n’osèrent lever leurs bâtons sur ma tête ; j’entrai donc, et je les vis mettre des piles d’assiettes d’étain, si brillantes qu’elles semblaient être d’argent, dans des coffres et des caisses ; je pénétrai au milieu d’eux jusque dans l’intérieur, et là je vis le lit de Charles… Je dois lui rendre justice… c’était le seul lit dur qui était dans son camp… il y avait de belles pierres fines et brillantes, éparses parmi des gantelets, des bottes, des écussons, et mille autres objets… Je pensai alors à votre père et à vous, et je cherchai quelque chose à vous offrir quand j’aperçus précisément mon vieil ami que voilà. (À ces mots il tira de son sein le collier de la reine Marguerite.) Je le reconnus, parce que, si vous vous en souvenez, je l’avais repris à Scharfgerichter, après l’assaut de La Ferette… Oh ! oh ! mes jolis brillants, dis-je, vous ne serez pas plus long-temps Bourguignons, et vous retournerez à mes bons amis les Anglais. En conséquence… — Ce collier est d’une immense valeur, dit Arthur, et n’appartient ni à mon père ni à moi, mais à la reine que vous venez de voir. — Et il lui ira admirablement, répondit Sigismond. Si elle était seulement d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années plus jeune, elle serait une femme parfaite pour un cultivateur suisse. Je réponds qu’elle mènerait joliment une maison. — Elle te récompensera libéralement pour lui avoir rapporté ces joyaux, » dit Arthur retenant à peine un sourire à l’idée que la fière Marguerite pût devenir ménagère d’un berger suisse. »

« Comment !… une récompense ! s’écria l’Helvétien. Songe que je suis Sigismond Biederman, fils du landamman d’Unterwalden…