Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/430

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inclinez toutes vos lances en avant, et recevez l’ennemi comme un mors de fer ! » L’ennemi se précipita, et il y eut alors assez de lances rompues pour fournir de bois toutes les vieilles femmes d’Unterwalden pendant une année. Alors tombèrent les chevaux bardés de fer… tombèrent les chevaliers et leurs armures… tombèrent les porte-enseignes avec les enseignes… tombèrent les bottes pointues et les casques à couronne ; et de tous les combattants qui tombèrent pas un ne conserva la vie. Les autres se retirèrent en désordre, et déjà ils se ralliaient pour charger de nouveau, lorsque le noble duc Ferrand se précipita à leur rencontre, et nous suivîmes pour le soutenir. Nous marchions d’un bon pas, et leurs fantassins osaient à peine nous attendre après avoir vu comment nous avions traité la cavalerie. Alors si vous eussiez vu la poussière et entendu les coups ! le bruit de cent mille fléaux et les nombreux brins de paillette qu’ils soulèvent ne seraient rien auprès. Sur ma parole, j’étais presque honteux de frapper avec ma hallebarde, tant ils opposaient peu de résistance. Des milliers furent tués sans se défendre, et toute l’armée fut mise en déroute complète. — Et mon père… mon père ! s’écria Arthur ; dans une pareille boucherie, que peut-il être devenu ? — Il a échappé sain et sauf, dit le Suisse ; il a fui avec Charles. — Le champ de bataille a dû boire bien du sang, avant qu’il prît la fuite, répliqua l’Anglais. — Il n’a pris aucune part au combat, repartit Sigismond ; il est simplement resté près de Charles ; et des prisonniers disent que c’est fort heureux pour nous, attendu qu’il est homme aussi sage dans le conseil qu’intrépide dans la mêlée. Quant à fuir, il faut bien que tout le monde recule quand il est impossible d’avancer ; et il n’y a rien là de honteux, surtout si vous ne participez pas vous-même au combat. »

Comme ils parlaient ainsi, leur conversation fut interrompue par Mordaunt, qui leur dit : « Chut ! chut !… voilà le roi et la reine qui sortent ! — Que vais-je donc faire ? » dit Sigismond un peu alarmé. « Je ne m’inquiète pas du duc de Lorraine ; mais que faudra-t-il donc que je fasse quand je vais me trouver devant des rois et des reines ? — Rien que vous lever, vous découvrir et vous taire. »

Sigismond se conformera à ces instructions.

Le roi René sortit bras dessus bras dessous avec son petit-fils, et Marguerite les suivit, le désappointement et le chagrin écrits sur son visage. Elle fit signe à Arthur en passant, et lui dit : « Assurez-