Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/423

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je ne puis l’empêcher très certainement. Je payerais les dettes dont vous me parlez, si j’en savais le moyen. — Mon royal père, je vais vous l’indiquer… Renoncez à une dignité vaine et inutile, qui, avec les prétentions dont elle est accompagnée, ne sert qu’à rendre votre misère ridicule. Renoncez à vos droits comme souverain, et les revenus qui ne peuvent suffire aux futiles excès d’une cour de mendiants vous mettront à même de jouir comme simple baron, dans la tranquillité et dans l’opulence, de tous les plaisirs qui font vos délices. — Marguerite, vous perdez la tête, » répondit René un peu sévèrement. « Un roi et son peuple sont unis par des liens que ni l’un ni l’autre ne peuvent briser sans crime. Mes sujets sont mon troupeau, et je suis leur pasteur ; le Ciel les a confiés à mes soins, et je n’ose renoncer au devoir de les protéger. — Si vous étiez en position de les défendre, répliqua la reine, Marguerite vous exhorterait à combattre jusqu’à la mort. Mais endossez votre harnais de guerre, qui repose depuis si long-temps… montez votre cheval de bataille… criez : René et la Provence ! et voyez si cent hommes seulement se réuniront autour de votre étendard. Vos forteresses sont entre les mains des étrangers ; une armée, vous n’en avez pas ; vos vassaux peuvent faire preuve de bonne volonté, mais ils manquent de toute habileté militaire, ils ignorent complètement la discipline des camps. Vous n’êtes plus qu’un simple squelette de monarchie, que la France ou la Bourgogne peut jeter à terre, dès que l’une ou l’autre voudra prendre la peine d’étendre le bras jusqu’à vous. »

Les larmes coulèrent en abondance le long des joues du vieux roi, quand cette perspective peu flatteuse lui fut mise sous les yeux ; et il fallut bien qu’il s’avouât totalement incapable de se défendre lui et ses domaines, et qu’il convînt d’avoir souvent songé à traiter, avec un de ses puissants voisins, de sa renonciation à la royauté.

« C’est votre intérêt, Marguerite, si dure et si injuste que vous soyez, qui m’a toujours empêché jusqu’à présent de prendre des mesures très pénibles pour mon cœur, mais peut-être très propres à m’assurer de grands avantages. Mais j’avais espéré me soutenir ainsi jusqu’à la fin de mes jours, et vous, mon enfant, avec les talents que le Ciel vous a donnés, vous auriez alors, pensais-je, trouvé remède à des malheurs auxquels je ne puis me soustraire qu’en écartant de moi jusqu’à leur pensée. — Si c’est sérieusement que vous parlez de mon intérêt, sachez que votre renonciation à la