Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/421

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tion que René détestât du fond de l’âme, c’était bien celle où se trouvait cité le mot même, le seul mot d’affaire.

« De quoi son enfant pouvait-elle avoir besoin ? était-ce d’argent ? il était prêt à lui donner toutes les sommes qu’il avait en caisse, quoiqu’il avouât que son trésor fût un peu dégarni ; cependant il avait reçu un trimestre de son revenu, lequel se montait à dix mille écus. Combien désirait-elle qu’on lui en comptât ? la moitié ? les trois quarts ou le tout ? La somme entière était à sa disposition. — Hélas ! mon cher père, dit Marguerite, ce n’est pas de mes affaires, mais des vôtres que je veux vous entretenir ! — S’il s’agit de mes affaires, répliqua René, je suis certainement maître de les remettre à un autre jour… À quelque vilain jour de pluie, qui ne sera bon à rien de mieux. Vois, mon amour, nos fauconniers sont déjà en selle… les chevaux hennissent et piaffent… nos jeunes gens et nos dames sont montés tous, le faucon au poing… les chiens s’impatientent d’être en laisse. Ce serait un péché, avec un vent et un temps si favorables, que de perdre cette belle matinée. — Laissez-les suivre leur chemin, dit la reine Marguerite, et aller à leurs plaisirs ; car l’affaire dont j’ai à vous entretenir concerne l’honneur, le rang, la vie et les moyens de vivre. — Soit ; mais il faut que j’entende nos deux plus célèbres troubadours, Calezon et Jean d’Aigues-Mortes, et que je décide entre eux. — Renvoyez leur cause à demain, répliqua Marguerite, et consacrez une heure ou deux à de plus importantes affaires. — Si vous l’ordonnez, reprit le roi, vous savez, mon enfant, que je ne puis vous refuser. »

Et il donna avec répugnance ordre aux chasseurs de partir et de se livrer à leur exercice, attendu qu’il ne pouvait les accompagner ce jour-là.

Le vieux roi se laissa alors, comme un chien qu’on empêche à grand regret de chasser, conduire dans un appartement séparé. Pour être sûre qu’on ne les troublerait pas, Marguerite posta son secrétaire Mordaunt avec Arthur dans l’antichambre, leur commandant de ne laisser entrer personne.

« Quant à moi, bien, Marguerite, dit l’excellent vieillard ; puisqu’il le faut, je consens à être mis au secret ; mais pourquoi empêcher le vieux Mordaunt d’aller à la promenade par une si belle matinée ? pourquoi priver le jeune Arthur du plaisir d’accompagner les autres ? Je vous en réponds, bien qu’on l’appelle philosophe, il a, la nuit dernière, avec la jeune comtesse Boisgelin, montré autant d’agilité qu’aucun cavalier de Provence. — Tous deux vien-