Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa musique qu’en lui parlant de sa fille Marguerite. Arthur avait été parfois prêt à douter de l’influence que la reine se vantait d’exercer sur son vieux père ; mais, après plus ample connaissance de René, il se convainquit que l’intelligence puissante et les vives passions de Marguerite avaient inspiré à ce roi, faible d’esprit et facile à conduire, un mélange d’orgueil, d’affection et de crainte, qui se réunissaient pour donner à la fille la plus ample autorité sur son père.

Quoiqu’elle ne l’eût quitté que depuis un jour ou deux, et d’une manière si peu gracieuse, René fut aussi joyeux à la nouvelle de son retour probable et même prochain, que l’aurait été le plus tendre des pères à la perspective d’être réuni au plus respectueux enfant qu’il n’aurait pas vu depuis des années. Le vieux roi attendit avec l’impatience d’un enfant le jour de son arrivée ; et encore étrangement aveuglé sur la différence de son goût et du sien, ce fut avec peine qu’il se décida à abandonner le projet d’aller à sa rencontre sous le costume du vieux Palémon,

Des antiques bergers et le prince et l’orgueil,


à la tête d’une procession arcadienne de nymphes et de pasteurs, dont les danses savantes et les chants devaient être accompagnés par toutes les flûtes et tous les tambourins du pays qu’il avait déjà mis en réquisition. Au reste, le vieux sénéchal lui-même désapprouva hautement cette espèce d’entrée joyeuse ; de sorte que René se laissa enfin persuader que la reine se trouvait encore trop sous l’influence des impressions religieuses qu’elle était allée chercher au couvent, pour que la vue ou les sons de la joie pussent lui causer aucune sensation agréable. Le roi céda à des raisons qu’il ne pouvait comprendre ; et ainsi Marguerite échappa à une réception bizarre qui l’aurait peut-être poussée dans son impatience à retourner sur la montagne de Sainte-Victoire et dans la sombre caverne de Garagoule.

Pendant son absence, tous les jours avaient été employés à la cour de Provence en amusements et en fêtes de toute espèce : charges avec lances émoussées, courses de bague, parties de chasse au lévrier et au faucon, auxquelles assistait toujours la jeunesse des deux sexes, société qui faisait les délices du roi, tandis qu’on passait les soirées à danser ou à faire de la musique.

Arthur ne pouvait s’empêcher de reconnaître que naguère encore une pareille vie l’aurait rendu parfaitement heureux ; mais les