Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/416

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m’en laisser le soin, répondit la reine ; pour couper court, je vous défends de vous occuper de lui ; la coiffe peut traiter avec le capuchon mieux que le casque ne le ferait. N’en parlons plus. Je vois avec satisfaction que vous portez au cou la sainte relique que je vous ai donnée ; mais quel amulette moresque portez-vous donc à côté ? Hélas ! besoin n’est pas de le demander ; vos joues qui deviennent rouges, presque aussi rouges que quand vous êtes arrivé il y a un quart d’heure, attestent que c’est un gage d’amour. Hélas ! pauvre enfant, as-tu non seulement une part des malheurs de ton pays à porter, mais encore ton propre fardeau d’affliction, qui n’est pas moins poignante à présent pour toi, bien que l’avenir te doive montrer combien elle est vaine ! Marguerite d’Anjou aurait pu jadis aider tes affections, quel qu’en fût l’objet, mais elle ne peut aujourd’hui contribuer qu’à la misère de ses amis, non à leur bonheur. Mais cette dame du gage, Arthur, est-elle belle… est-elle sage et vertueuse… est-elle de noble naissance… et t’aime-t-elle ? » Elle parcourut la figure du jeune homme avec le regard d’un aigle, et continua. « À toutes ces questions tu répondrais oui, si la modestie te le permettait. Aime-la donc en retour, mon brave garçon, car l’amour est le mobile des nobles exploits. Va, mon jeune ami… bien né et loyal, vaillant et vertueux, amoureux et jeune, à quoi ne peux-tu pas parvenir ! La chevalerie de l’ancienne Europe ne vit plus que dans un cœur comme le tien. Va, et que l’éloge d’une reine enflamme ton sein d’ardeur pour l’honneur et les exploits. Dans trois jours nous nous reverrons à Aix. »

Arthur, profondément touché de la condescendance de la reine, prit de nouveau congé d’elle.

Redescendant la montagne avec une rapidité bien différente de celle qu’il avait mise à la monter, il retrouva son écuyer provençal. Ils gagnèrent Aix après une course d’une heure environ, et Arthur, sans perdre de temps, alla trouver le bon roi René, qui le reçut très amicalement, tant à cause de la lettre du duc de Bourgogne que de sa qualité d’Anglais, sujet avoué de la malheureuse Marguerite. Le débonnaire monarque pardonna bientôt à son jeune hôte le manque de complaisance avec lequel il avait refusé d’entendre ses compositions musicales ; et Arthur reconnut bientôt qu’en cherchant à se justifier de l’impolitesse qu’il avait commise sous ce rapport, il s’exposerait à s’en faire dire bien plus qu’il n’aurait la patience d’en écouter. Il ne put se soustraire à l’extrême désir qu’avait le bon roi de réciter ses poèmes et d’exécuter