Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/410

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contemplé les horreurs, cette scène même de tempête semble rafraîchir l’esprit. »

La reine s’arrêta, et Arthur d’autant plus effrayé de ce singulier récit qu’il lui rappelait la prison dans laquelle on l’avait jeté à La Ferette, demanda avec avidité si ses questions avaient obtenu quelque réponse.

« Aucune, » répondit la malheureuse princesse. « Les démons de Garagoule, s’il en existe, ont été sourds aux prières d’une misérable infortunée comme moi, à qui personne, ami ou ennemi, ne veut apporter ni conseil ni secours. C’est la position de mon père qui m’empêche de prendre une résolution immédiate et forte. Si mes propres droits sur cette sotte et frivole nation de troubadours y étaient seuls intéressés, je pourrais, pour la chance de remettre encore une fois le pied dans la joyeuse Angleterre, y renoncer aussi aisément, aussi volontiers que j’abandonne à la tempête le vain emblème du rang royal que j’ai perdu. »

En parlant ainsi, Marguerite arracha de ses cheveux la plume noire et la rose que la tempête avait détachées de la couronne où elles étaient placées, et les jeta du haut du balcon avec un geste d’une brusque énergie. Elles furent aussitôt emportées en tournoyant par le souffle contraire des nuages furieux, qui entraîna la plume au loin dans l’espace, si loin que l’œil ne put la suivre. Mais tandis que celui d’Arthur cherchait involontairement à s’attacher à elle dans sa course, une bouffée de vent opposé prit la rose rouge et la lui rejeta contre la poitrine, de sorte qu’il lui fut aisé de la prendre et de la retenir.

« Joie ! joie et bonne fortune, ma royale maîtresse ! » dit-il en se retournant vers elle avec la fleur emblématique ; « la tempête renvoie le symbole de Lancastre à celle qui est en droit de le posséder. — J’accepte l’augure, répliqua Marguerite. Mais c’est vous-même, noble jeune homme, et non moi, qu’il concerne. La plume qui est entraînée pour être rompue et détruite est l’emblème de Marguerite. Mes yeux ne verront jamais la restauration des descendants de Lancastre ; mais vous vivrez, vous, pour la voir, pour travailler à l’accomplir, pour teindre encore davantage notre rose rouge dans le sang des tyrans et des traîtres. Mes pensées se trouvent dans un équilibre si bizarre, qu’une plume ou une fleur peut les faire pencher d’un côté ou d’un autre. Mais ma tête est encore étourdie, mon cœur encore malade… Demain vous verrez une autre Marguerite, et jusque là, adieu. »