Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/406

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tenait le jardin lui avait offerte le matin même, comme représentant la maison de son époux. Le souci, la fatigue et le chagrin semblaient empreints sur son front et sur ses traits. Tout autre messager aurait probablement reçu d’elle un amer reproche pour n’avoir pas mis plus d’empressement à l’accueillir lors de son entrée ; mais l’âge et l’extérieur d’Arthur correspondaient à ceux du fils bien-aimé qu’elle avait perdu. Il était lui-même fils d’une dame que Marguerite avait presque chérie avec une affection de sœur, et la présence d’Arthur excitait encore dans la reine détrônée les mêmes sentiments de tendresse maternelle qui s’étaient éveillés à leur première rencontre dans la cathédrale de Strasbourg. Il s’était agenouillé à ses pieds : elle le releva, lui parla avec une extrême bonté, et l’encouragea à s’acquitter avec détail du message de son père, et à lui communiquer les autres nouvelles qu’il avait pu recueillir durant sa courte résidence à Dijon.

Elle demanda dans quelle direction le duc Charles conduisait son armée.

« Comme me l’a donné à entendre le maître de son artillerie, répondit Arthur, vers le lac de Neufchâtel, sur les bords duquel il se propose de tenter sa première attaque contre les Suisses. — Le maudit entêté ! s’écria la reine Marguerite… il ressemble à ce pauvre insensé qui s’en allait au faîte d’une montagne afin de pouvoir rencontrer la pluie à moitié route… Ton père, continua Marguerite, me conseille donc d’abandonner les derniers restes des vastes domaines qui furent jadis les possessions de notre royale famille, et pour quelques écus, pour un misérable secours de quelques centaines de lances, de céder ce qui est resté intact de notre patrimoine à notre fier et égoïste cousin de Bourgogne, qui étend ses prétentions sur tous nos biens, nous prête si peu de secours, et même nous en promet si peu en retour. — J’aurais mal rempli la commission de mon père, dit Arthur, si j’avais laissé Votre Majesté croire qu’il vous recommandât un si grand sacrifice. Il s’afflige très vivement de voir l’insatiable ambition du duc de Bourgogne. Néanmoins il pense que la Provence doit, à la mort de René, ou plus tôt, tomber entre les mains du duc Charles ou de Louis de France, quelque opposition que Votre Altesse puisse apporter à cet arrangement ; et il se peut que mon père, comme chevalier et soldat, espère beaucoup obtenir les moyens de tenter une autre entreprise en Angleterre. Mais la décision doit dépendre de Votre Altesse. — Jeune homme, la pensée d’une question si importante me prive presque de la raison. »