Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/398

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litesse, confia l’étranger aux soins d’un page, qui l’introduisit dans une chambre où il trouva un autre fonctionnaire âgé, de plus haut rang, avec une mine avenante, un œil calme et serein, et un front qui, toujours exempt de rides, annonçait que le sénéchal d’Aix était un digne disciple de la philosophie de son royal maître. Il reconnut Arthur dès les premiers mots qu’il lui adressa.

« Vous parlez le français du Nord, beau sire ; vous avez les cheveux plus clairs et le teint plus beau que les naturels de ce pays… Vous demandez la reine Marguerite… À toutes ces marques je devine un Anglais… Sa Majesté d’Angleterre s’acquitte en ce moment d’un vœu au monastère du mont Sainte-Victoire, et si votre nom est Arthur Philipson, je suis chargé de vous conduire immédiatement près d’elle… aussitôt du moins que vous aurez goûté aux provisions du buffet royal. »

Le jeune homme aurait voulu faire des objections, mais le sénéchal ne lui en laissa pas le temps.

« Un repas et une messe, dit-il, ne retardent jamais la besogne… Il est dangereux pour un jeune homme de voyager trop long-temps l’estomac vide… Je mangerai moi-même un morceau avec l’hôte de la reine, et je lui ferai raison par dessus le marché avec un flacon de vieil Ermitage. »

La table fut couverte avec une promptitude qui montrait que l’hospitalité était souvent exercée dans les domaines du roi René. Des pâtés, des plats de venaison, une belle hure de sanglier, et d’autres mets délicats furent placés sur la table, et le sénéchal joua le rôle d’un maître de maison, ne cessant de s’excuser, et sans qu’il en fût besoin, de ce qu’il ne prêchait pas aussi d’exemple, attendu que son devoir était de découper en présence du roi René, et que rien ne plaisait plus au bon roi que lorsqu’il le voyait mettre autant de prestesse à manger qu’à découper.

« Mais pour vous, seigneur étranger, mangez à votre aise, attendu que vous pourrez bien ne pas faire d’autre repas jusqu’au coucher du soleil ; car la bonne reine prend ses infortunes tellement à cœur que les soupirs sont sa nourriture, et ses larmes sa bouteille de breuvage, comme dit le psalmiste. Mais je pense que vous aurez besoin de chevaux pour aller vous et votre équipage au mont Sainte-Victoire qui est à sept milles d’Aix. »

Arthur répliqua qu’il avait un guide et des chevaux à sa disposition, et demanda la permission de faire ses adieux. Le digne sénéchal, dont la belle et ronde bedaine était ornée d’une chaîne