Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adressa la parole avec un ton de politesse mêlé d’une certaine dignité ; et la crainte respectueuse d’Arthur en présence du monarque fut plus forte qu’il ne s’y était attendu d’après l’idée qu’il s’était faite du caractère royal.

« Vous êtes, à en juger par votre extérieur, beau sire, étranger dans ce pays, dit le roi René. Quel nom vous donnerons-nous, et à quelle affaire devons-nous attribuer le plaisir de vous voir à notre cour ?

Arthur resta un moment silencieux, et le bon vieillard, imputant son silence à crainte et à timidité, continua d’un ton encourageant :

« La modestie sied toujours bien à la jeunesse ; vous êtes sans doute un élève dans la noble et joyeuse science de la poésie et de la musique, attiré ici par l’accueil amical que nous témoignons à ceux qui professent ces arts dans lesquels… Notre-Dame et les saints en soient bénis !… nous avons nous-même acquis un certain talent. — Je n’aspire pas aux honneurs des troubadours, répondit Arthur. — Je vous crois, répliqua le monarque, car votre prononciation se ressent un peu de l’accent du Nord ou gallo-normand, tel qu’il est parlé en Angleterre et chez d’autres nations peu civilisées. Mais vous êtes peut-être un ménestrel de ces pays ultramontains. Soyez convaincu que nous ne méprisons pas leurs efforts ; car nous avons écouté, non sans plaisir ni instruction, plusieurs de leurs œuvres hardies et sauvages qui, bien que rudes sous le rapport de l’invention et du style, et par conséquent inférieures à la poésie régulière de nos troubadours, ont néanmoins dans leur puissante et grossière mélodie quelque chose qui parfois élève le cœur comme le son d’une trompette. — J’ai senti la vérité de l’observation que fait Votre Majesté, lorsque j’ai entendu les chants de mon pays, répliqua Arthur ; mais je n’ai ni le talent ni l’audace nécessaires pour imiter ce que j’admire… Le dernier pays que j’ai visité est l’Italie. — Alors vous êtes peut-être un élève en peinture, reprit René, art qui s’adresse à l’œil comme la poésie et la musique s’adressent à l’oreille, et que nous n’estimons guère moins. Si vous êtes habile dans cet art, vous arrivez près d’un monarque qui l’aime, et dans un pays où il est cultivé. — À vous parler franchement, sire, je suis Anglais, et ma main s’est trop endurcie à manier l’arc, la lance et l’épée pour toucher à une harpe ou même à un pinceau. — Anglais, » dit René, la chaleur de son accueil diminuant d’une manière sensible ; « et quel sujet vous amène ici ? L’An-