Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/389

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tandis que le vieux roi voyait d’une part sa fille détrônée dans un désespoir inconsolable, et de l’autre son petit-fils déshérité, cherchant en vain à reconquérir une partie de leurs possessions, il avait en outre le malheur de savoir que son neveu, Louis de France, et son cousin, le duc de Bourgogne, luttaient secrètement à qui lui succéderait dans la portion de la Provence qu’il possédait toujours, et que c’était seulement la jalousie de l’un envers l’autre qui les empêchait de le dépouiller du dernier reste de son territoire. Cependant, au milieu de tous ces chagrins, René donnait des fêtes, recevait des hôtes, dansait, chantait, composait des vers, se servait du pinceau et du crayon avec assez de talent, décrivait, dirigeait des fêtes et des processions, en tâchant de pousser aussi loin que possible la gaîté et la bonne humeur de ses sujets, s’il ne pouvait pas matériellement accroître leur prospérité durable. Il n’était jamais mentionné par eux que sous le titre du bon roi René, distinction qu’on lui accorde encore aujourd’hui, et qu’il méritait certainement par les qualités de son cœur, sinon par celles de sa tête.

Tandis qu’Arthur recevait de son guide des détails circonstanciés sur le caractère du roi René, ils entraient sur le territoire du joyeux monarque. C’était à la fin de l’automne, et vers cette époque où les contrées sud-est de la France se montrent avec moins d’avantage. Le feuillage de l’olivier est alors flétri, et comme il prédomine dans le paysage, et ressemble à la couleur pâle du sol lui-même, une teinte sèche et aride se répand sur tous les objets. Néanmoins on rencontrait encore, dans les parties montagneuses et dans les prairies, des sites où le grand nombre des arbres toujours verts reposait l’œil même de cette saison morte.

L’aspect du pays, en général, présentait quelque chose de tout particulier.

Les voyageurs trouvaient à chaque pas des marques du singulier caractère du roi. La Provence, comme partie de la Gaule qui la première reçut la civilisation romaine et fut encore plus longtemps la résidence de la colonie grecque qui fonda Marseille, est plus riche des restes imposants de l’ancienne architecture que toute autre contrée de l’Europe, l’Italie et la Grèce exceptées. Le bon goût du roi René lui avait inspiré plusieurs tentatives pour déblayer et restaurer les souvenirs de l’antiquité. Était-ce un arc de triomphe ou un ancien temple… on les avait dégagés des huttes et des cabanes qui les avoisinaient, on avait du moins tâché d’en retarder la ruine. Était-ce une fontaine de marbre que la superstition