Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 21, 1838.djvu/383

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à condition, tu sais, qu’on me cédera la Provence, comme de juste. Il faudra que nous gardions pour un temps les joyaux de notre cousine Marguerite ; et peut-être serviront-ils, comme garantie, avec quelques uns des nôtres, au pieux dessein de mettre en liberté les anges que nos usuriers flamands retiennent captifs ; coquins, qui ne veulent prêter, même à leur souverain, que sur de bons nantissements. Voilà à quels expédients nous a réduit pour le moment l’avarice désobéissante de nos États. — Hélas ! monseigneur, » répondit le noble Anglais découragé, « Je serais ingrat si je doutais de la sincérité de vos royales intentions. Mais qui peut se reposer sur les événements de la guerre, surtout quand le temps presse pour une prompte détermination ? Vous êtes assez bon pour vous fier à moi ; que la confiance de Votre Altesse aille encore plus loin : je vais monter à cheval, et courir après le landamman s’il est déjà parti. Je ne doute pas de pouvoir conclure avec lui un arrangement par lequel vous n’aurez rien à craindre sur toutes vos frontières du Sud-Est. Vous pouvez alors exécuter en toute sécurité vos projets sur la Lorraine et la Provence. — Ne m’en parlez pas, » dit le duc avec aigreur ; « c’est faire injure et à vous et à moi que de supposer qu’un prince qui a donné sa parole à son peuple puisse la retirer comme un marchand qui veut vendre sa marchandise, puis ne veut plus. Allez… nous vous assisterons ; mais nous jugerons nous-même du temps et de la manière : néanmoins, comme nous sommes bien disposé en faveur de notre malheureuse cousine d’Anjou, et que vous êtes notre meilleur ami, nous ne laisserons pas languir cette affaire. Notre armée a ordre de se mettre en marche ce soir et de se diriger sur Neufchâtel, où ces fiers Suisses connaîtront notre ardeur et le poids de nos épées qu’ils ont fait sortir du fourreau. »

Oxford poussa un profond soupir, mais ne répliqua plus rien ; et il eut raison, puisqu’il aurait probablement exaspéré le caractère hautain du prince à qui s’adressaient ses remontrances, sans rien changer à sa détermination.

Il prit congé du duc et retourna vers Colvin, qu’il trouva plongé dans les affaires de son département, et se préparant à faire partir l’artillerie : opération que la grossièreté des pièces et l’exécrable état des routes rendaient alors plus difficile même qu’aujourd’hui, quoiqu’elle soit encore un des mouvements les plus laborieux de la marche d’une armée. Le maître de l’artillerie reçut Oxford avec beaucoup de joie, et se félicita du grand honneur qu’il aurait à faire la campagne avec lui ; il l’informa ensuite que, d’après un or-